Titre VII
N° 13 - novembre 2024
Les justiciables se saisissent-ils du droit de l'environnement ?
Si le droit de l'environnement intéresse par définition tous les justiciables, sa technicité et sa complexité constituent des obstacles majeurs pour qu'ils s'en saisissent. Les justiciables sont en réalité le plus souvent représentés par les associations et les collectivités. Pourtant, des propositions existent pour que les justiciables puissent davantage se saisir de ce droit qui conditionne leur capacité à vivre en bonne santé et donner ainsi corps au principe de participation consacré à l'article 7 de la Charte de l'environnement.
Le droit de l'environnement est constitué d'un corpus de normes destinées à protéger les biens communs que sont l'air, l'atmosphère, les milieux aquatiques, l'océan, la biodiversité et le climat. Conséquemment, ces normes visent à préserver la santé et le bien-être des humains. Elles nous concernent donc toutes et tous, où que nous vivions puisqu'elles conditionnent la qualité de l'eau que nous buvons, des aliments que nous consommons, de l'air que nous respirons, de la stabilité du climat dans lequel nous évoluons et de la permanence des paysages que nous chérissons.
L'intensification des catastrophes climatiques et le dépassement de plusieurs limites planétaires font naître un besoin de régulation que le droit incarne. L'institution judiciaire n'est désormais plus à l'écart des débats écologiques et sociétaux que les dégradations environnementales suscitent : les sujets liés aux pesticides, au réchauffement climatique, à la déforestation ou aux pollutions diverses investissent désormais les prétoires. Pourtant, le droit de l'environnement reste perçu, à juste titre, comme une matière technique et austère que beaucoup de juristes n'osent pas appréhender, effrayés par la complexité de normes écrites par, et en partie pour, des ingénieurs et des techniciens.
La société civile ne cesse parallèlement d'alerter sur l'urgence climatique, l'effondrement de la biodiversité ou sur les conséquences des pollutions, dénonçant fréquemment l'ineffectivité du droit de l'environnement. Face à ce constat, il est urgent que les justiciables s'en saisissent.
Si la Charte de l'environnement consacre le devoir de chacun de prendre part à la préservation de l'environnement, force est de constater que les justiciables se saisissent peu du droit de l'environnement malgré la proclamation déjà ancienne des grands principes d'information, de participation et d'accès à la justice en matière environnementale (A). C'est donc essentiellement à travers des représentants, associations ou collectivités territoriales, que le justiciable peut se saisir du droit de l'environnement (B).
A. Les défis de l'accès au droit de l'environnement
1. Les principes de l'accès au droit de l'environnement
En 1992, lors du Sommet de la Terre, était adoptée la « Déclaration de Rio » qui affirmait déjà que « la meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient »(1).
Depuis cette date, des réformes successives ont permis de donner corps à cette notion de participation du public qui suppose pour les citoyens d'accéder à l'information, de participer aux décisions susceptibles d'avoir un impact sur l'environnement et enfin de pouvoir les contester devant un juge : la loi relative au renforcement de la protection de l'environnement du 2 février 1995(2) consacre le principe de participation du public qui sera ensuite codifié en septembre 2000 à l'article L.110-1 du code de l'environnement ; sur le fondement de cette loi sera également créée le 4 septembre 1997 la Commission nationale du débat public (ci-après « CNDP ») afin de mieux associer les citoyens lors de la phase d'élaboration des grands projets ; l'année suivante, la Convention d'Aarhus est adoptée, améliorant l'information environnementale, favorisant la participation du public, et étendant les conditions d'accès à la justice(3) ; en 2002, la loi sur la démocratie de proximité(4) transforme la CNDP en autorité administrative indépendante, garante de son impartialité ; l'année suivante est adoptée la directive sur l'accès à l'information en matière environnementale qui introduit l'obligation pour les plus grandes entreprises de révéler leurs informations extra financières(5) ; la Charte de l'environnement adoptée en 2004 parachève cette construction en consacrant dans son article 7 le droit, pour « toute personne », « dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement » ; une ordonnance du 3 août 2016(6) a enfin élargi considérablement le champ de compétences de la CNDP.
2. Les difficultés de l'accès au droit de l'environnement
Malgré ces réformes successives et la consécration d'un droit constitutionnel de participation du public en matière d'environnement, les justiciables se saisissent peu du droit de l'environnement. Le constat dressé en 2019 par l'Inspection générale de la Justice et le Conseil général de l'environnement et du développement durable(7) est sans appel : le contentieux environnemental est qualifié de « délaissé » et d'« invisible ». Cette invisibilité est particulièrement marquée en matière civile, qu'il s'agisse des demandes en réparation de dommages causés par une nuisance de l'environnement ou de demandes en réparation du préjudice écologique : « les contentieux civils de l'environnement, jugés au fond comme en référé, constituent au mieux, 0,5 % de l'ensemble des contentieux civils »(8). En matière administrative, le constat est assez similaire, l'essentiel du contentieux lié à l'environnement relevant du droit de l'urbanisme(9).
Les raisons de cet éloignement des justiciables avec le droit de l'environnement sont nombreuses.
La matière est d'abord technique et complexe : le droit de l'environnement est souvent qualifié de « droit d'ingénieur » avec des renvois nombreux à des annexes de textes réglementaires souvent difficiles à appréhender. L'importance des sources internationales et européennes complexifie encore davantage sa compréhension. Considérons par exemple le voisin d'un agriculteur qui s'interroge sur les distances à respecter depuis sa propriété en matière d'épandage de produits phytosanitaires ou de compost : il devra connaître la composition précise des produits épandus, le caractère potentiellement cancérigène, mutagène ou toxique pour la reproduction des substances chimiques utilisées ou encore apprécier la force exacte du vent pour s'assurer du respect des normes réglementaires. Cela suppose d'accéder à des textes épars, de consulter des bases de données et de croiser des informations difficilement accessibles au non spécialiste.
À ces difficultés de fond s'ajoutent des règles processuelles relevant de régimes spécifiques dont l'objectif inavoué est souvent de décourager le justiciable à se saisir du droit de l'environnement. Depuis 2018, les régimes dérogatoires au droit commun se sont ainsi multipliés, complexifiant souvent, sous couvert de « lois de simplification », le parcours du justiciable souhaitant se saisir du droit de l'environnement : suppression du double degré de juridiction en matière de contentieux relatif aux éoliennes(10), compétence en premier et dernier ressort du Conseil d'État pour les recours contre les projets éoliens en mer(11), réduction du délai de recours des tiers pour les projets d'énergies renouvelables hors éolien(12), suppression du double degré de juridiction en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement (ci-après « ICPE ») relatives à certains projets agricoles et réduction du délai de recours pour l'ensemble des ICPE(13).
Se saisir du droit de l'environnement suppose donc d'évoluer dans un maquis de règles de fond techniques, difficilement accessibles, et de parer à de nombreux obstacles procéduraux.
La particularité du contentieux environnemental tient enfin à la nature collective des intérêts en cause : dans chacune des affaires, le nombre de personnes susceptibles de se prévaloir d'un intérêt à agir est potentiellement important : nous sommes tous potentiellement victimes des dégradations climatiques et environnementales car nous en subissons tous les conséquences à des degrés divers. Au-delà de ces intérêts particuliers et collectifs, les intérêts de la société, ceux des écosystèmes ou des êtres vivants non-humains sont également susceptibles d'être lésés. Dans ces conditions, la démonstration de la lésion d'un intérêt personnel, exigence requise tant devant les juridictions judiciaires qu'administratives, peut parfois s'avérer difficile à établir. C'est la raison pour laquelle le contentieux environnemental se caractérise par une multiplication d'actions attitrées pouvant être engagées par des personnes n'étant pas soumises à la démonstration de la lésion d'un intérêt personnel.
B. La représentation des justiciables pour saisir le droit de l'environnement et ses perspectives
Faute pour la majorité des justiciables de pouvoir se saisir du droit de l'environnement, c'est à travers ses représentants qu'ils agissent en justice, qu'il s'agisse des associations de protection de l'environnement (1) ou des collectivités territoriales (2).
1. Les associations de protection de l'environnement
Contrairement à d'autres pays comme le Brésil dans lesquels la défense de l'environnement revient prioritairement au ministère public, elle a été en France largement confiée – sinon déléguée – aux associations de protection de l'environnement. Il existe en effet un très vaste réseau de milliers d'associations œuvrant à la protection et à la préservation de l'environnement à tous les niveaux d'organisation administrative. Ce sont elles qui engagent l'essentiel des recours en se prévalant d'une jurisprudence plutôt libérale des juridictions, notamment judiciaires(14).
Jusqu'à récemment, la défense judiciaire de l'environnement restait l'apanage d'associations spécialisées composées pour partie de juristes et d'anciens avocats. France Nature Environnement, ses 6 000 associations membres et son réseau de juristes spécialisés sont ainsi à l'origine d'un nombre considérable des jurisprudences sur tous les sujets liés à la protection de la nature et de l'environnement. Cet activisme judiciaire s'est développé sur le fondement de l'habilitation législative prévue à l'article L.142-2 du code de l'environnement qui prévoit aujourd'hui que « les associations agréées mentionnées à l'article L. 141-2 peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement, à l'amélioration du cadre de vie, à la protection de l'eau, de l'air, des sols, des sites et paysages, à l'urbanisme, à la pêche maritime ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances, la sûreté nucléaire et la radioprotection, les pratiques commerciales et les publicités trompeuses ou de nature à induire en erreur quand ces pratiques et publicités comportent des indications environnementales ainsi qu'aux textes pris pour leur application ». Les associations agréées, ou justifiant d'au moins cinq années d'existence à la date d'introduction de l'instance, se voient également reconnaître le droit d'engager des actions en réparation du préjudice écologique(15), c'est-à-dire de solliciter la réparation de toute « atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement »(16).
Ce sont désormais cinquante-sept associations qui bénéficient, dans le cadre national, de l'agrément prévu à l'article L.141-1 du code de l'environnement(17). Elles ne sont pas seules à pouvoir agir en justice puisque la Cour de cassation et le Conseil d'État ont retenu une interprétation libérale des dispositions de l'article L.142-2 du code de l'environnement : pour la Cour de cassation, « une association, même hors habilitation législative, et en l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires, peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social »(18). Le juge administratif a, quant à lui, accueilli favorablement l'action en réparation du préjudice écologique d'une association non agréée(19). La rapporteure publique Amélie Fort-Besnard avait alors considéré que « la mention « d'associations agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date d'introduction de l'instance qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l'environnement » nous semble être faite pour encourager le juge à limiter l'accès au prétoire aux seules associations de protection de l'environnement justifiant d'une certaine ancienneté de leur action en ce sens. Nous n'y voyons donc pas une condition formelle [...], mais plutôt l'expression du souci que l'association qui se fait le porte-voix de la nature agisse conformément à l'objet statutaire qu'elle s'est donné et aux actions qu'elle a développées, dans la durée, pour le réaliser »(20).
Les associations de protection de l'environnement se voient donc reconnaître un rôle essentiel pour que les justiciables se saisissent du droit de l'environnement et ainsi assurer l'effectivité des dispositions légales et réglementaires. Ce rôle a récemment été renforcé, s'agissant des associations agréées de protection de l'environnement, par la création d'un référé pénal environnemental, prévu à l'article L.216-13 du code de l'environnement. Cette procédure permet, en cas de non-respect d'un certain nombre de prescriptions dans le cadre de l'autorisation environnementale, de la police de l'eau ou des mines, au juge des libertés et de la détention, « à la requête du procureur de la République, agissant d'office ou à la demande de l'autorité administrative, de la victime ou d'une association agréée de protection de l'environnement, [d']ordonner pour une durée d'un an au plus aux personnes physiques et aux personnes morales concernées toute mesure utile, y compris la suspension ou l'interdiction des opérations menées en infraction à la loi pénale ». Les associations se voient ainsi renforcées dans leur rôle de vigie de l'environnement en étant autorisées à saisir le parquet sans attendre que le dommage environnemental ne s'aggrave et ne devienne irrémédiable.
Malgré ces dispositions procédurales favorables à l'activisme judiciaire des associations, la technicité du droit de l'environnement et l'importance des moyens humains et financiers nécessaires découragent encore de trop nombreuses associations à se saisir du droit de l'environnement. En particulier, le nombre d'actions en réparation du préjudice écologique apparaît très en retrait par rapport aux ambitions initiales, notamment en raison des difficultés d'évaluation du dommage et de détermination des mesures de réparation en nature requises par les dispositions du code civil(21).
2. Les collectivités territoriales
Les collectivités territoriales se sont historiquement saisies du droit de l'environnement afin de réparer les atteintes causées aux territoires sur lesquels elles exercent leurs compétences. On se souvient de l'affaire de la marée noire de l'Amoco Cadiz dans laquelle les collectivités territoriales bretonnes étaient allées jusqu'à Chicago pour demander des comptes à la compagnie américaine Amoco(22), alors même que quelques années auparavant, les communes bretonnes victimes du naufrage du Torrey Canyon s'étaient vues refuser toute indemnisation(23). Au début des années quatre-vingt, l'affaire des boues rouges que des navires de la société italienne Montedison rejetaient au large de la Corse a consacré la reconnaissance d'un préjudice spécifique d'atteinte à l'image et à la réputation des collectivités territoriales victimes d'une atteinte à l'environnement(24). C'est enfin les collectivités territoriales qui ont porté l'essentiel du combat judiciaire en faveur de la reconnaissance du préjudice écologique dans l'affaire de la marée noire de l'Erika. La Cour d'appel de Paris avait alors affirmé la « raison d'être » des collectivités territoriales qui était « de protéger, et si possible d'améliorer, le bien-être de ses administrés, auquel participe leur environnement naturel ». La Cour n'avait eu de cesse de rappeler que « la finalité ultime d'une collectivité territoriale, c'est le mieux-être de la collectivité de ses habitants » et que « les dommages écologiques causés à leur territoire par le délit poursuivi ont eu des conséquences négatives sur la qualité de vie des populations qui y séjournent, préjudice indirect »(25). Cette analyse n'avait pas été contredite par la chambre criminelle de la Cour de cassation(26). C'est donc logiquement que le législateur a largement ouvert en 2016 l'action en réparation du préjudice écologique aux collectivités territoriales.
Cet activisme judiciaire semble toutefois s'être affaibli et les collectivités territoriales sont loin de se saisir systématiquement du droit de l'environnement dès lors que leur territoire est affecté par une atteinte à l'environnement ou par une pollution. L'essentiel des demandes en réparation du préjudice écologique sont portées par des associations de protection de l'environnement et des fédérations de pêche, alors que les établissements publics et les collectivités territoriales restent relativement en retrait. On constate même qu'une meilleure répression du contentieux environnemental conduit au contraire à poursuivre certaines collectivités, ainsi que l'illustrent les quelques conventions judiciaires d'intérêt public environnemental conclues avec des syndicats ou des établissements publics de coopération territoriale.
Le contentieux climatique illustre les difficultés des collectivités territoriales à pleinement représenter leurs habitants en se saisissant du droit de l'environnement. Une quinzaine d'entre elles avaient saisi le tribunal judiciaire de Paris afin que soit ordonné à la société TotalEnergies, tant sur le fondement du respect du devoir de vigilance que sur celui de la cessation du préjudice écologique, de réduire ses émissions de gaz à effet de serre dans une trajectoire compatible avec l'objectif de l'Accord de Paris. Par une ordonnance du 4 juillet 2023, le juge de la mise en état avait déclaré leur action irrecevable au motif que « le préjudice écologique dont elles se prévalent concerne non seulement leur territoire mais le monde entier »(27). La Cour d'appel de Paris a partiellement réformé l'ordonnance entreprise en accueillant favorablement l'intervention volontaire de la Ville de Paris(28), mais l'affaire TotalEnergies continue d'illustrer l'appréciation beaucoup plus stricte de l'intérêt à agir des collectivités par rapport à celui des associations.
Conclusion : les évolutions souhaitables
Les sondages d'opinion confirment que la préoccupation environnementale reste au rang des premières priorités des français, désireux de se saisir de ces enjeux : selon l'Agence de la transition écologique (ADEME), 10 % d'entre eux déclarent être engagés dans une association de défense de l'environnement et 40 % pourraient le faire. 8 % déclarent avoir déjà participé à une action de désobéissance civile et 33 % pourraient le faire(29).
Le plus souvent, cet engagement associatif ou citoyen suppose de se saisir du droit de l'environnement, ce qui suppose d'améliorer l'accès à l'information environnementale, notamment en matière juridique. Certains juristes ont ainsi proposé la création de maisons d'accès à la justice environnementale, réparties sur le territoire, qui auraient pour ambition de « diffuser la diversité des expériences citoyennes, de donner un contenu pragmatique, perceptible par le citoyen à la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation et l'accès à la justice en matière environnementale ». Ces lieux de ressources ouverts permettraient de « produire un accueil, une information et une orientation sur les sujets de droits de l'environnement, devenus par ailleurs extrêmement anxiogènes et source de conflits de voisinage »(30).
Une autre proposition institutionnelle consiste à instaurer, à l'instar du Défenseur des droits, un « Défenseur de l'environnement et des générations futures ». Selon Cécile Muschotti, députée chargée d'une mission sur la question, « c'est à partir du constat de ce décalage entre la place croissante du droit de l'environnement dans l'ordre juridique national et de l'inadaptation des mécanismes de gouvernance destinés à le mettre en œuvre que repose l'idée de création d'un Défenseur de l'environnement et des générations futures »(31).
En matière judiciaire, une autre évolution souhaitable serait l'extension du rôle du procureur de la République qui, au titre de la défense des intérêts de la société, embrasse la cause environnementale. La création récente des pôles régionaux environnementaux(32) a favorisé la constitution d'un réseau de magistrats qui se forment à la technicité du droit de l'environnement et se spécialisent progressivement. Les auteurs d'atteintes à l'environnement sont ainsi davantage poursuivis et les peines prononcées tendent à devenir réellement dissuasives. Les procureurs des pôles spécialisés auraient ainsi vocation à intervenir également dans les contentieux civils, et particulièrement ceux relatifs à la réparation du préjudice écologique, comme le prévoit l'article 423 du code de procédure civile.
Les propositions visant à ce que les justiciables se saisissent vraiment du droit de l'environnement ne manquent donc pas. Pour leurs initiateurs, il s'agit de renforcer l'effectivité du droit de l'environnement en renforçant les mécanismes institutionnels de contrôle. Permettre aux justiciables de mieux se saisir du droit de l'environnement leur offre aussi une garantie afin qu'ils soient en capacité d'exercer les droits constitutionnels proclamés par la Charte de l'environnement.
(1): Principe 10 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, Sommet de la Terre, Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, Rio de Janeiro, Brésil, 3-14 juin 1992.
(2): Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement.
(3): Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, adoptée le 25 juin 1998 et entrée en vigueur en France le 6 octobre 2002 (loi n° 2002-285 du 28 février 2002 autorisant l'approbation de la Convention d'Aarhus et décret n° 2002-1187 du 12 septembre 2002 portant publication de la Convention d'Aarhus).
(4): Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.
(5): Directive 2003/4/CE du 28 janvier 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement.
(6): Ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l'information et la participation du public à l'élaboration de certaines décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement.
(7): B. Cinotti (CGEDD), D. Agoguet (IGJ), J.-F. Landel (CGEDD), D. Atzenhoffer (IGJ) et V. Delbos (IGJ), Rapport « Une justice pour l'environnement », Mission d'évaluation des relations entre justice et environnement, CGEDD et Inspection générale de la Justice, oct. 2019.
(8): Ibid., p. 21.
(9): Ibid., p. 22.
(10): Décret n° 2018-1054 du 29 novembre 2018 relatif aux éoliennes terrestres, à l'autorisation environnementale et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit de l'environnement ; article R.311-5 du code de justice administrative.
(11): Article 55 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.
(12): Décret n° 2022-1379 du 29 octobre 2022 relatif au régime juridique applicable au contentieux des décisions afférentes aux installations de production d'énergie à partir de sources renouvelables (hors énergie éolienne) et aux ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité.
(13): Décret n° 2024-423 du 10 mai 2024 portant adaptation de la procédure contentieuse relative aux ouvrages hydrauliques agricoles, aux installations classées pour la protection de l'environnement en matière d'élevage et aux autorisations environnementales.
(14): Par ex., Cass. 3e civ., 7 nov. 2019, n° 18-17.748 et 18-17.751
(15): Article 1248 du code civil.
(16): Article 1247 du code civil.
(17): Arrêté du 11 mai 2023 portant publication de la liste des associations agréées au titre de la protection de l'environnement dans le cadre national.
(18): Cass. 1ère civ., 30 mars 2022, n° 21-13.970. Voir également Cass. 3ème civ., 26 sept. 2007, n° 04-20.636, Bull. 2007, III, n° 155, D. 2007, p. 2757, obs. F. Nési ; RTDC 2008, p. 305, obs. P. Jourdain ; JCP G 2008, II, 10020, note B. Parance.
(19): Tribunal administratif de Paris, 3 février 2021, n° 1904967, 1904968, 1904972, 1904976/4-1, « Affaire du Siècle ».
(20): « L''Affaire du siècle » : la réparation du préjudice écologique par le juge administratif - Extraits des conclusions de la rapporteure publique, Amélie Fort-Besnard, Énergie - Environnement - Infrastructures n° 7, juillet 2021, étude 11.
(21): B. Parance, « Le rôle des associations dans le procès environnemental », ENM revue Justice actualités n° 25, juin 2021, page 119.
(22): Cour fédérale d'appel de Chicago, 20 janvier 1992.
(23): Cour d'appel de Rennes, 3 juillet 1969, Commune de La Baule.
(24): TGI de Bastia, 4 juillet 1985, Département de la Corse c/ société Montedison.
(25): Cour d'appel de Paris, 30 mars 2010, n° 08/02278, D. 2010, p. 967, obs. S. Lavric ; ibid. 1008, entretien L. Neyret.
(26): Cass. crim., 25 septembre 2012, n° 10-82938, D. 2012, p. 2673, obs. L. Neyret, p. 2675, note V. Ravit - O. Sutterlin, p. 2711, note Ph. Delebecque.
(27): Tribunal judiciaire de Paris, ordonnance du 6 juillet 2023, n° RG 22/03403.
(28): Cour d'appel de Paris, arrêt du 18 juin 2024, n° RG 23/14348.
(29): « Climat : les français mobilisés et en attente d'évolutions de la société », Lettre ADEME Stratégie, janvier 2022.
(30): V. Delbos, M. Hautereau-Boutonnet et S. Mabile, « Pour une approche civile et civique de la justice écologique », note du Think Tank Terra Nova, 28 octobre 2021, page 29.
(31): Assemblée nationale. Rapport parlementaire en mission de Cécile Muschotti (députée du Var) et de Virginie Dumoulin (CGEDD), « Création d'un défenseur de l'environnement et des générations futures », juillet 2021, page 23.
(32): Article 15 de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.
Citer cet article
Sébastien MABILE. « Les justiciables se saisissent-ils du droit de l'environnement ? », Titre VII [en ligne], n° 13, L'environnement, novembre 2024. URL complète : https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/les-justiciables-se-saisissent-ils-du-droit-de-l-environnement
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