Titre VII

N° 13 - novembre 2024

La contribution récente de la CEDH à la protection de l'environnement et des générations futures

Résumé

Si aucune disposition de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) n'est spécialement destinée à assurer une protection générale de l'environnement, cela ne veut pas dire que les questions environnementales sont étrangères à la Convention ni qu'elles échappent à la compétence judiciaire de la Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH). Au cours des dernières décennies, la CourEDH a interprété l' « instrument vivant » dans un sens qui assure une protection des droits de l'homme face à différentes menaces environnementales. Toutefois, il s'agit d'une sorte de protection par ricochet offerte par différents articles de la Convention qui visent à protéger non pas l'environnement mais les droits humains et qui reposent sur une dimension de justice individuelle. Le présent article se concentre sur les défis juridiques posés par un nouvel aspect du contentieux environnemental, à savoir celui relatif au changement climatique. Il cherche à exposer de manière structurée la première intervention de la CourEDH dans ce domaine, la plaçant dans le contexte du contentieux environnemental classique tout en clarifiant les points saillants des décisions récentes de la Grande Chambre de Strasbourg. Compte tenu du rôle distinct mais complémentaire des deux juridictions européennes dans le domaine environnemental, cet article met également en exergue certaines questions relatives à la protection juridictionnelle effective des droits des individus et leur accès à la justice, questions qui confrontent tant la juridiction de Strasbourg que celle de Luxembourg dans ce domaine.

[Les vues exprimées sont purement personnelles à l'auteur.]

Aucune disposition de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) n'est spécialement destinée à assurer une protection générale de l'environnement(1). Cela ne veut pas dire que les questions environnementales sont étrangères à la Convention ni qu'elles échappent à la compétence judiciaire de la Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH).

Sur la base notamment des articles 2 (droit à la vie), 6 (accès à la justice), 8 (droit à la vie privée) ou 1 du Protocole n° 1 (droit de propriété), la CourEDH a interprété « l'instrument vivant » dans un sens qui assure une protection des droits de l'homme face à différentes menaces environnementales(2). Elle a répété à maintes reprises que la responsabilité des autorités étatiques dans le domaine environnemental devrait en pratique se traduire par leur intervention au moment approprié afin de garantir que les dispositions légales adoptées dans le but de protéger l'environnement ne soient pas totalement inefficaces(3). En outre, la protection de l'environnement, au sens large, et la protection, plus spécifique, de la nature et des forêts, des espèces menacées, des ressources biologiques, du patrimoine ou de la santé publique, comptent, quant à elles, parmi les objectifs considérés comme relevant de l'« intérêt général » au titre de la Convention(4).

La vaste jurisprudence développée par la CourEDH confirme donc une européanisation claire du droit de l'environnement. Mais la protection accordée par la Convention est dans un certain sens une « protection par ricochet » offerte par différents articles d'une Convention qui vise à protéger non pas l'environnement mais les droits humains et qui repose sur une dimension de justice individuelle(5). En revanche, ainsi qu'il ressort de la contribution du Président Lenaerts, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) est chargée d'interpréter de multiples règlements et directives, détaillés et souvent très techniques, dans le domaine environnemental. Ces derniers ressortent de la compétence élargie acquise par l'Union européenne dans ce domaine depuis l'introduction des premières bases juridiques adressant spécifiquement l'environnement dans l'Acte unique en 1986. La CourEDH, par contre, interprète un texte adopté afin de protéger la démocratie, l'État de droit et les droits humains dans une Europe d'après-guerre, où les Hautes Parties Contractantes n'étaient pas encore concernées par les questions environnementales. Les dispositions de la Convention sont, à la différence du droit dérivé de l'Union européenne, à la fois souples et vagues. Mais les deux systèmes européens peuvent se chevaucher. Si un État défendeur dans le cadre de la CEDH est, en même temps, un État membre de l'Union européenne, le droit national et de l'Union européenne, peuvent faire partie du cadre factuel examiné par la CourEDH pour voir si cet État a failli à ses obligations conventionnelles dans un cas concret introduit par une personne ou un groupe de personnes pouvant démontrer qu'ils ont le statut de victime au sens de la CEDH(6).

Au lieu de revisiter la jurisprudence bien documentée de la Cour de Strasbourg dans le domaine environnemental(7), le présent article se concentre sur les défis juridiques posés par un contentieux en rapide évolution, à savoir celui relatif au changement climatique. Ce choix est à la fois logique et d'actualité, compte tenu des affaires récentes – Klima, Carême et Duarte – de la Grande Chambre. Dans ces affaires, la Cour de Strasbourg a dû décider pour la première fois si et dans quelles conditions la CEDH pouvait servir d'instrument juridique pour protéger les droits de l'homme des effets néfastes du changement climatique anthropique(8). Les griefs formulés par les requérants individuels et l'association requérante dans l'affaire suisse en vertu des articles 2, 6 et 8 de la Convention contestaient en substance l'insuffisance des mesures prises par les États défendeurs pour lutter contre le changement climatique. Comme le Conseil constitutionnel français dans une décision de 2022(9), la CourEDH a introduit dans sa nouvelle jurisprudence climatique une première référence aux générations futures. En outre, elle a confirmé que l'article 8 englobe un droit pour les individus à une protection effective, par les autorités de l'État, contre les effets néfastes graves du changement climatique sur leur vie, leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie. Étant donné que la grande majorité des affaires clôturées ou pendantes devant la CourEDH relatives au changement climatique concernent des États membres de l'Union européenne(10) et que le contentieux climatique constitue un défi majeur pour des tribunaux nationaux et internationaux, il semble utile de mettre en lumière les points saillants des premières décisions de la CourEDH, et d'indiquer des points potentiellement pertinents pour le droit de l'Union européenne.

A) Le contentieux climatique et le cadre de la Convention

La Cour de Strasbourg traite principalement des plaintes individuelles introduites par des personnes ou des groupes de personnes à la suite des actions ou omissions de l'État qui les affectent directement ou, dans certaines circonstances, indirectement, que ce soit effectivement ou, dans des cas plus rares, potentiellement. La justice demandée et rendue par la Cour est essentiellement individuelle même si les arrêts et décisions peuvent avoir des effets collectifs et sociétaux considérables. La CourEDH offre donc un contrôle externe et subsidiaire des actions et omissions des États et ce contrôle se fait normalement ex-post et intervient lorsque les voies de recours nationaux sont épuisées par un requérant individuel ou par une association requérante. En revanche, les interlocuteurs principaux de la CJUE sont des juges nationaux, qui interviennent par la voie préjudicielle lorsque l'affaire pendante devant eux pose des problèmes d'interprétation et/ou de validité. La Commission, en tant que gardienne du droit de l'Union européenne, peut également introduire des recours en manquement pour assurer l'application correcte et effective par les autorités nationales de leurs obligations en vertu du droit de l'Union européenne. Le droit de l'Union européenne repose donc sur une dimension plus systémique qu'individuelle et le but recherché est, en règle générale, l'application uniforme de règles qui harmonisent les standards environnementaux dans l'espace juridique de l'Union européenne.

Dans les trois premières affaires relatives au changement climatique, la CourEDH a été invitée à entrer en territoire conventionnel inexploré(11). La première partie de l'arrêt dans l'affaire Klima est cruciale pour comprendre la nature et les limites du cadre de la Convention et les contraintes judiciaires sous lesquelles la CourEDH travaille et doit travailler. La Cour a souligné qu'elle ne peut traiter des questions de droits de l'homme résultant du changement climatique que dans les limites de l'exercice de sa compétence en vertu de l'article 19 de la Convention(12). Elle a confirmé qu'aucun article de la Convention n'est spécifiquement conçu pour fournir une protection générale de l'environnement en tant que tel. La référence occasionnelle dans la jurisprudence existante au « droit des personnes concernées [...] de vivre dans un environnement sûr et sain »(13) n'établit pas un droit environnemental distinct, mais souligne plutôt l'importance de la protection de l'environnement dans toute mise en balance des droits et intérêts lors de l'application de la Convention. Seuls les dommages environnementaux qui affectent négativement un des droits protégés par la Convention, et non simplement la qualité générale de l'environnement, peuvent soulever une question au titre de la Convention(14). En outre, un requérant doit établir que l'atteinte alléguée à l'environnement présente un niveau de gravité tel qu'elle a un effet suffisamment dommageable sur la jouissance par le requérant des droits conférés par la Convention(15).

La Cour a souligné que les effets néfastes du changement climatique nécessitent principalement une action législative qui dépend nécessairement de décisions démocratiques prises à un niveau national (ou de l'Union européenne), mais que cette évidence n'exclut pas toute intervention juridictionnelle : « Une intervention juridictionnelle, y compris de la Cour, ne peut remplacer les mesures qui doivent être prises par les pouvoirs législatif et exécutif, ou fournir un substitut à celles-ci [...] La compétence des juridictions internes et de la Cour est donc complémentaire à ces processus démocratiques. La tâche du pouvoir judiciaire consiste à assurer le nécessaire contrôle de la conformité avec les exigences légales. [...] » (16).

Mais quelles sont les règles conventionnelles à appliquer en ce qui concerne les questions spécifiques soulevées par le changement climatique ? La Cour a noté que, bien qu'étant une source importante d'inspiration et d'orientation, la jurisprudence environnementale existante, et par ailleurs abondante, de la Convention n'est pas directement transposable. La différence la plus critique entre le changement climatique et les affaires environnementales classiques est l'absence d'un lien linéaire et clairement identifiable entre une source (spécifique) de dommage, la nature de l'activité nuisible et les individus affectés par ce dommage. Dans le contexte du changement climatique, le lien pertinent est beaucoup plus complexe et les effets de tout dommage plus diffus(17). Les principes de la jurisprudence existante doivent donc être adaptés en ce qui concerne les diverses questions conventionnelles soulevées dans le contexte du changement climatique. De plus, la Cour a souligné qu'elle n'a autorité que pour garantir le respect de la Convention. Sa compétence ne s'étend pas à la supervision du respect d'autres traités ou obligations internationaux(18). Cela ne rend pas les traités internationaux tels que l'Accord de Paris inutiles. Ces instruments représentent un consensus international dans le domaine et reflètent des exigences et des engagements que les États parties à la Convention se sont engagés à respecter(19). Cependant, en aucun cas la Convention ne peut devenir un outil de transposition en tant que tel d'un tel accord international, car cela n'est pas sa fonction.

Ainsi que l'a écrit Laurence Gay à la suite de la décision précitée du Conseil constitutionnel d'août 2022 : « S'il ne constitue pas le champ d'application exclusif de la notion de ʺgénérations futuresʺ, le droit de l'environnement en est assurément la terre d'élection. La prise de conscience des risques que la crise écologique fait peser sur la capacité de ces générations futures à bénéficier d'un environnement sain, ou même vivable, l'explique sans difficulté. La recherche de réponses à cette crise a fait apparaître [...] ʺun droit élaboré pour les vivantsʺ »(20).

L'un des développements les plus importants dans les affaires relatives au changement climatique a donc été la reconnaissance par la CourEDH du fait que les générations futures sont susceptibles de supporter un fardeau de plus en plus sévère des conséquences des échecs et omissions actuels à lutter contre le changement climatique, tout en étant désavantagées sur le plan représentatif dans les processus décisionnels pertinents actuels. Selon la Cour : « La perspective intergénérationnelle souligne le risque inhérent aux processus décisionnels politiques pertinents, à savoir que les intérêts et préoccupations à court terme peuvent prévaloir au détriment des besoins pressants pour une élaboration de politiques durables, rendant ce risque particulièrement sérieux et ajoutant une justification à la possibilité de révision judiciaire »(21).

Cependant, il convient de souligner que le partage intergénérationnel des charges fait partie, dans le raisonnement de la Cour, de la justification du fait et de la nature du contrôle judiciaire exercé. Il s'agit donc d'un outil méthodologique de raisonnement et non d'un motif indépendant de créer de nouveaux droits conventionnels pour des personnes qui ne sont pas parties à une procédure devant la Cour ou qui n'existent même pas encore(22).

B) Le contentieux climatique et les questions de causalité

La protection offerte par la Convention et la compétence de la Cour pour en assurer le respect deviennent pertinentes uniquement si le changement climatique est montré comme affectant (ou risquant d'affecter) les droits et libertés des individus garantis par la Convention. L'un des grands défis auxquels étaient confrontés les requérants dans les premières phases des contentieux sur le changement climatique était l'établissement de la causalité. Dans les observations préliminaires de la Grande Chambre dans Klima, il a été clairement indiqué que la Cour procède à l'analyse des questions conventionnelles soulevées « [...] en considérant comme établie l'existence d'indications suffisamment fiables de ce que le changement climatique anthropique existe, qu'il représente actuellement et pour l'avenir une grave menace pour la jouissance des droits de l'homme garantis par la Convention, que les États en ont conscience et sont capables de prendre des mesures pour y faire face efficacement, que les risques pertinents devraient être moindres si le réchauffement est limité à 1,5 ° C par rapport aux niveaux préindustriels [...] »(23).

La Cour a ici, et par la suite, expliqué comment elle relie les points scientifiques et juridiques dans son examen de la responsabilité sous la Convention des États défendeurs concernant le changement climatique. Elle a expliqué dans l'affaire Klima que les questions de causalité « [...] ont des incidences sur l'appréciation de la qualité de victime ainsi que des aspects matériels des obligations et de la responsabilité de l'État au regard de la Convention », en identifiant quatre dimensions différentes(24).

La reconnaissance par la Cour que la dégradation de l'environnement, y compris le changement climatique, a créé et est susceptible de créer des effets néfastes graves et potentiellement irréversibles sur la jouissance des droits de l'homme était basée sur des preuves scientifiques(25), des instruments internationaux(26), des législations et normes nationales(27) et sur certains exemples de jurisprudence nationale et internationale(28). Les gouvernements défendeurs dans les trois affaires n'avaient pas contesté qu'il existait une urgence climatique. Ils avaient même souligné quels étaient les droits et les politiques nationaux et européens qui traitaient de l'urgence de traiter le changement climatique et ses effets néfastes sur la vie, la santé et le bien-être des individus.

Dans l'affaire Klima, la Cour a aussi rejeté l'argument de la « goutte dans l'océan » avancé par certains États défendeurs, à savoir l'incapacité des États à influencer à titre individuel un phénomène qui est mondial. Le test pertinent pour engager la responsabilité d'un État défendeur en vertu de la Convention est que des mesures raisonnables que les autorités nationales n'ont pas prises auraient pu avoir une réelle perspective d'altérer le résultat ou d'atténuer le dommage(29). Comme l'a noté la Cour dans le contexte du changement climatique, ce principe doit également être compris à la lumière du principe de précaution énoncé à l'article 3 § 3 de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), selon lequel les États doivent prendre des mesures pour anticiper, prévenir ou minimiser les causes du changement climatique et en atténuer les effets néfastes. Un État défendeur dans une affaire de changement climatique ne peut donc pas chercher à échapper à sa responsabilité en pointant sur la responsabilité d'autres États. De plus, tout en refusant la notion large de l'effet extraterritorial de la Convention, préconisée par les jeunes requérants dans l'affaire Duarte, la Cour a souligné dans Klima que les États doivent impérativement respecter les obligations conventionnelles qui leur incombent au sein de leur juridiction territoriale(30).

C) Juridiction

La juridiction des Hautes Parties contractantes, qui est une question préliminaire à résoudre avant que toute autre question ne se pose, est principalement territoriale(31). La juridiction extraterritoriale est possible mais reste exceptionnelle, basée principalement sur les concepts spatiaux et personnels de juridiction établis dans la jurisprudence(32). De plus, la Cour a accepté que certaines affaires puissent présenter des caractéristiques spéciales permettant d'établir l'existence d'une juridiction extraterritoriale(33). Jusqu'à présent, cependant, la Cour a rejeté l'existence de la juridiction dite « de cause à effet » (34).

C'est sur la base des exceptions ci-dessus que les jeunes requérants dans l'affaire Duarte ont demandé à la Cour d'établir la juridiction extraterritoriale des 32 États défendeurs autres que le Portugal. Il est important de souligner que la Cour a reconnu plusieurs caractéristiques spéciales du contentieux climatique invoquées par les requérants. Premièrement, les États ont le contrôle ultime sur les activités privées et publiques basées sur leurs territoires qui produisent des émissions de gaz à effet de serre. Deuxièmement, bien que complexe et multidimensionnelle, il existe une certaine relation causale entre les activités publiques et privées basées sur les territoires des États qui produisent des émissions de GES et l'impact néfaste sur les droits et le bien-être des personnes résidant en dehors de leurs frontières. Troisièmement, le problème du changement climatique est de nature véritablement existentielle pour l'humanité d'une manière qui le distingue des autres situations de cause à effet(35).

Cela étant, la Cour a estimé que ces considérations ne pouvaient en elles-mêmes servir de base à la création par voie d'interprétation judiciaire d'un motif nouveau de juridiction extraterritoriale. En particulier, la Cour a rejeté l'argument des requérants selon lequel « le contrôle sur les intérêts des requérants protégés par la Convention » devrait servir de test pertinent pour établir la juridiction dans le domaine du changement climatique. La Cour a estimé que ce test entraînerait un manque critique de prévisibilité quant à la portée de la Convention et un niveau intenable d'incertitude pour les États. Cela impliquerait une extension illimitée de la juridiction extraterritoriale des États en vertu de la Convention et des responsabilités en vertu de celle-ci envers les personnes pratiquement partout dans le monde(36).

Il n'est pas difficile ici de voir une similitude entre les préoccupations concernant le risque d'ouverture de la Cour de Strasbourg, dont la mission est d'interpréter et d'appliquer une convention régionale des droits de l'homme applicable à environ 675 millions de résidents, et l'approche restrictive de la CJUE relative au recours en annulation introduit dans l'affaire Carvahlo, dans laquelle elle a confirmé un manque de locus standi de la part des requérants concernés(37). La CourEDH a également rejeté l'idée que la juridiction au sens de l'article 1 dépendrait du contenu des obligations positives(38). Une telle approche risquait de « mettre la charrue avant les bœufs » bien que la juridiction soit, comme expliqué ci-dessus, une question préalable dans le cadre établi par la Convention.

D) Statut de victime (individuel) et qualité pour agir (collective)

Pour demander la protection de la Convention devant la Cour de Strasbourg, un individu doit démontrer qu'il est affecté par les actions ou omissions d'une ou plusieurs des Parties contractantes à la Convention. Le système de la Convention ne connaît pas l'actio popularis(39). Il n'est donc pas possible d'introduire des procédures de la Convention pour assurer la protection d'une cause générale ou pour demander un examen abstrait du droit et de la pratique internes sans montrer que la législation ou la pratique en question affecte ou est susceptible d'affecter le requérant concerné(40). L'interdiction de l'actio popularis n'exclut pas les actions de nature collective dans lesquelles un individu ou un groupe d'individus affectés peuvent chercher à protéger les intérêts qui les réunissent et certains autres individus ou groupes qui partagent les mêmes caractéristiques ou intérêts protégés(41). Le statut de victime au sens de la Convention – qui couvre les victimes directes, indirectes et potentielles – est également susceptible d'interprétation évolutive et n'est pas appliqué de manière rigide, mécanique et inflexible, conformément au principe de l'efficacité(42).

Dans les affaires portant sur le changement climatique, l'un des principaux obstacles posés par la Convention est l'exigence du statut de victime. Comme l'a expliqué la Cour : « si, parmi l'ensemble de la population relevant de la juridiction des Parties contractantes, le cercle des « victimes » effectivement ou potentiellement touchées est défini de manière ample et généreuse, cela risque d'ébranler les principes constitutionnels internes et la séparation des pouvoirs en ouvrant un large accès au système judiciaire comme moyen de provoquer des changements dans les politiques générales relatives au climat. Si en revanche c'est un cercle trop petit et restreint qui est défini, des lacunes ou dysfonctionnements même évidents dans l'action gouvernementale ou les processus démocratiques risquent de conduire à porter atteinte aux droits conventionnels d'individus et de groupes d'individus sans que ceux‑ci aient aucune possibilité de saisir la Cour »(43).

En ce qui concerne les victimes individuelles, la Cour a établi un seuil élevé pour la démonstration du statut de victime, adapté au contexte du changement climatique. Son test à deux niveaux exige que les requérants démontrent qu'ils sont soumis à une intensité élevée d'exposition aux effets néfastes du changement climatique et qu'il y a un besoin urgent de garantir leur protection individuelle(44). Les requérants individuels dans les affaires Klima et Carême n'ont pas été considérés comme ayant rempli ces exigences. Dans la première affaire, le degré d'intensité du risque posé aux femmes âgées par les étés suisses plus chauds n'a pas atteint le seuil pertinent(45). Dans la seconde, le requérant ne résidait plus dans la région affectée ni même en France. En outre, ses droits et intérêts avaient été défendus au niveau national par le recours en justice partiellement réussi de la municipalité(46). Dans l'affaire Duarte, la Cour a souligné que le défaut d'épuisement des recours internes rendait impossible l'évaluation des circonstances individuelles des requérants, qui avaient été présentées de manière vague et générale, afin de vérifier si le seuil élevé du statut de victime avait été atteint(47).

Cependant, l'affaire Klima a obligé la Cour à répondre à une question supplémentaire, celle de savoir si l'association requérante pouvait bénéficier du statut de victime ou de la qualité pour agir. Les juridictions suisses n'avaient pas examiné cette question, se concentrant uniquement sur les requérants individuels et rejetant leurs plaintes comme actio popularis au sens du droit suisse(48). Dans le passé, la Cour avait accepté que : « [...] dans les sociétés modernes, lorsque les citoyens sont confrontés à des décisions administratives particulièrement complexes, le recours à des entités collectives telles que les associations est l'un des moyens accessibles, parfois le seul moyen, leur permettant de défendre efficacement leurs intérêts particuliers »(49).

L'esprit de cette jurisprudence environnementale de la Cour de Strasbourg se reflète également dans la jurisprudence de la CJUE sur la portée et le contenu des obligations en vertu de l'article 9 § 3 de la Convention d'Aarhus telle que transposée dans le droit de l'Union européenne(50). L'une des principales innovations dans l'arrêt Klima est d'accorder la qualité pour agir à des entités collectives telles que les associations pour défendre les droits et intérêts de leurs membres ou individus affectés ou concernés, à condition que certaines conditions soient remplies(51). Les associations ne peuvent elles-mêmes invoquer, en vertu de la Convention, des considérations de santé ou des nuisances et problèmes associés au changement climatique qui ne peuvent être rencontrés que par des personnes physiques(52). En conséquence, l'innovation dans Klima se limite à reconnaître que les associations peuvent avoir la qualité pour agir. Cela dit, et c'est un aspect important, les conditions établies par la Grande Chambre n'incluent pas l'exigence que les individus membres de ces associations remplissent eux-mêmes les critères du statut de victime selon le test appliqué aux individus qui a été décrit ci-dessus(53). Cette innovation est née du besoin de garantir un accès effectif à la justice tout en prévenant l'actio popularis interdite par la Convention(54). L'arrêt cherche à protéger l'accès à la justice, un sujet discuté plus en détail ci-dessous, tout en permettant aux États une marge d'appréciation importante concernant l'interaction en droit national entre la qualité pour agir des individus et/ou celle des associations(55).

E) Accès à la justice

L'accès à la justice est un thème récurrent dans la jurisprudence de la CourEDH concernant la protection de l'environnement(56). Il est également le pilier du système de protection de l'environnement envisagé par la Convention d'Aarhus et transposé dans divers instruments juridiques de l'Union européenne. La règle de l'épuisement des recours internes est elle-même basée sur l'hypothèse qu'il existe un recours interne effectif en ce qui concerne toute violation alléguée(57).

Au cœur des trois affaires sur le changement climatique se trouve l'importance de l'accès à des tribunaux indépendants et impartiaux et des recours nationaux effectifs. En ce qui concerne l'applicabilité de l'article 6 § 1, nous voyons également un chevauchement entre les questions de statut de victime, de causalité et de l'applicabilité de cet article dans le contexte du changement climatique. La Cour a déclaré que : « lorsqu'un dommage à venir n'est pas simplement hypothétique mais qu'il est réel et hautement probable (ou pratiquement certain) à défaut de mesures correctives adéquates, le fait que ce dommage ne soit pas strictement imminent ne doit pas, à lui seul, conduire à la conclusion que l'issue de la procédure ne serait pas déterminante pour son atténuation ou sa réduction. Pareille approche aurait pour effet de limiter indûment l'accès à un tribunal en ce qui concerne de nombreux risques majeurs associés au changement climatique »(58).

La Cour a considéré que cela est particulièrement vrai pour les actions en justice intentées par des associations car, dans le contexte du changement climatique, de telles actions doivent être vues à la lumière du rôle de l'association en tant que moyen par lequel les droits de la Convention des personnes affectées par le changement climatique, y compris celles défavorisées sur le plan représentatif, peuvent être défendus. Dans l'affaire Klima, la Cour a constaté une violation de l'article 6 § 1 de la Convention en raison du fait qu'il n'y avait pas de voie en droit interne par laquelle les plaintes climatiques de l'association requérante pouvaient être portées devant un tribunal(59). La Cour a considéré que l'action en justice de l'association avait été rejetée – d'abord par une autorité administrative puis par les tribunaux nationaux à deux niveaux de juridiction – sur la base de considérations inadéquates et insuffisantes. Les tribunaux suisses avaient estimé par exemple que : « il restait encore du temps pour empêcher le réchauffement climatique d'atteindre la limite critique » et n'avaient pas sérieusement, voire pas du tout, traité l'action intentée par l'association requérante(60).

Bien qu'elle ait été jugée irrecevable, l'affaire Duarte a également mis en lumière la centralité des tribunaux et des recours nationaux dans le système de la Convention, y compris, sinon surtout, en ce qui concerne le changement climatique. La Cour a souligné que le défaut d'invoquer les recours internes disponibles avait privé les tribunaux portugais de la possibilité d'examiner d'abord les plaintes portées devant la Cour. Dans l'affaire Carême, l'importance de l'accès à la justice a été illustrée de manière plus positive. Le requérant a été considéré comme n'ayant pas le statut de victime non seulement parce qu'il ne résidait plus dans la région affectée ni même en France, mais aussi parce que la protection de ses intérêts avait été partiellement atteinte grâce à l'action introduite par sa municipalité devant le Conseil d'État. Bien que la municipalité se soit appuyée sur le droit administratif français plutôt que sur la Convention pour introduire sa demande, elle avait ainsi assuré la protection des intérêts des résidents de la municipalité en relation avec les risques climatiques auxquels la région était confrontée. Le message à travers les trois affaires est clair – recherchez votre recours national, épuisez-le et seulement ensuite, et si nécessaire, regardez au-delà de votre système judiciaire national et venez à Strasbourg.

L'arrêt dans l'affaire Klima, dans la mesure où il constitue une interprétation et une application de la Convention, a une portée jurisprudentielle qui s'applique à tous les 46 États membres du Conseil de l'Europe. Cependant, comme la doctrine l'a déjà noté, s'agissant de son volet relatif à l'accès à la justice, les 27 États membres de l'Union européenne pourraient devoir en tenir particulièrement compte(61). Cela est dû au fait que certains droits de la Convention sont reflétés dans la Charte de l'Union européenne et que le droit de l'Union européenne inclut un cadre juridique consolidé qui est directement ou indirectement pertinent dans le domaine du changement climatique(62). Compte tenu des exigences strictes relatives à la qualité pour agir s'agissant des recours en annulation en vertu du droit de l'UE, la question qui pourrait se poser est de savoir si ce dernier fournit aux associations et aux ONG des voies de recours effectives pour contester l'(in)action climatique. Dans l'affaire Carvalho, la CJUE a confirmé la conclusion du Tribunal selon laquelle ni les membres individuels de l'association ni l'association requérante elle-même n'avaient établi une affectation individuelle(63). Les arguments soulevés par les requérants sur la nécessité d'adapter les exigences de la qualité pour agir au sens de la jurisprudence Plaumann aux spécificités du changement climatique ont eu aussi peu d'effets en 2021 qu'ils en avaient eu dans les mains de Greenpeace dans les années 1990(64). Il est à noter, toutefois, qu'une porte semble avoir été laissée ouverte dans l'affaire Carvalho, du moins pour le moment. L'association requérante avait soutenu qu'elle devrait être autorisée à engager des poursuites en tant qu'« action collective défendant un bien collectif ». Comme ce grief n'avait pas été dûment soulevé devant le Tribunal, il a été jugé irrecevable par la CJUE(65). Reste à voir si, quand et comment la CJUE sera appelée à se pencher sur les éventuelles implications de l'arrêt Klima pour l'accès à la justice en vertu du droit de l'Union européenne.

F) Obligations positives

Il y a 45 ans, dans l'affaire Airey c. Irlande sur l'accès à la justice en vertu de l'article 6, la CourEDH a reconnu que : « [...] l'exécution d'un engagement assumé en vertu de la Convention appelle parfois des mesures positives de l'État ; en pareil cas, celui-ci ne saurait se borner à demeurer passif [...] »(66).

Ce fut la naissance de la doctrine des obligations positives en vertu de la Convention. Le contenu et la portée des obligations positives des États dans le contexte du changement climatique sont maintenant définis dans l'arrêt Klima, dans lequel la CourEDH a préféré examiner la plainte de l'association requérante avec référence à l'article 8 plutôt qu'à l'article 2(67). Ce dernier choix reflète le principe selon lequel les États ont le devoir d'adopter et d'appliquer effectivement en pratique des règlements et mesures visant à fournir une protection effective de la vie, du bien-être et de la santé(68). La CourEDH a souligné que les obligations positives relatives à l'élaboration d'un cadre réglementaire doivent être adaptées aux caractéristiques spécifiques du sujet et aux risques encourus. Les objectifs globaux concernant la nécessité de limiter la hausse de la température mondiale tels qu'énoncés dans l'Accord de Paris doivent en outre éclairer la formulation des politiques nationales(69). Il en découle que : « [...]  le respect effectif des droits protégés par l'article 8 de la Convention exige de chaque État contractant qu'il prenne des mesures en vue d'une réduction importante et progressive de ses niveaux d'émission de GES, aux fins d'atteindre la neutralité nette, en principe au cours des trois prochaines décennies »(70).

La préoccupation de la CourEDH concernant le partage intergénérationnel des charges a également façonné son approche des mesures que les États sont maintenant tenus de prendre conformément à leurs obligations positives en vertu de l'article 8, étant donné une préoccupation claire concernant le fardeau disproportionné pour les générations futures en cas de défaillance continue à agir(71).

Quant à la marge d'appréciation, qui, en termes simples, définit l'espace de manœuvre des États lors de la désignation et de la mise en œuvre de leurs lois et politiques affectant les droits de la Convention des individus(72), elle s'applique de manière différenciée dans le contexte du changement climatique. L'engagement de l'État envers la nécessité de lutter contre les effets néfastes du changement climatique et de fixer des objectifs requis appelle à une marge réduite étant donné la nature et la gravité de la menace posée et le consensus général quant aux enjeux impliqués pour assurer l'objectif global de protection climatique effective. Quant au choix des moyens, y compris les choix opérationnels et les politiques adoptées pour atteindre les objectifs et engagements ancrés au niveau international, la Cour a reconnu que, à cet égard, la marge doit rester large(73).

Dans l'arrêt Klima, la Cour a constaté une violation de l'article 8 en raison de certaines lacunes critiques dans l'élaboration, le développement et la mise en œuvre du cadre législatif et administratif pertinent relatif au changement climatique par les autorités suisses(74). Elle a observé que l'État défendeur avait auparavant failli à quantifier, par un bilan carbone ou autrement, les limitations nationales des émissions de gaz à effet de serre. La Cour a estimé qu'un simple engagement à adopter des mesures concrètes « suffisamment tôt », comme envisagé par la loi suisse sur le climat, ne satisfaisait pas les obligations positives décrites ci-dessus(75). Elle a conclu que la Suisse avait dépassé sa marge d'appréciation et n'avait pas respecté ses obligations positives en vertu de l'article 8.

Conclusion

Seul le temps déterminera la vraie contribution de cette trilogie à la lutte contre le changement climatique. Il semble clair, comme l'a souligné la doctrine, que l'approche choisie par la Cour pour cartographier le territoire inexploré caractérisant le changement climatique dans ces trois affaires reflète : « [...] au moins en partie [...] la tentative de la Cour de maintenir à la fois la pertinence de la Convention et la sienne au milieu de l'un des défis les plus pressants auxquels l'humanité est confrontée tout en cherchant soigneusement à respecter le domaine politique en ce qui concerne les ʺmesures à mettre en œuvreʺ concrètes »(76).

Dans une large mesure, la contribution de la CEDH dépendra de la manière dont les juges et tribunaux nationaux répondront aux griefs tirés de la Convention dans les affaires pendantes devant eux et comment, dans ce contexte, ils appliqueront, voire développeront, les principes généraux établis par la Grande Chambre.

En structurant les principaux enseignements des trois décisions de la Grande Chambre, j'ai essayé de souligner l'orthodoxie conventionnelle de la plupart des composantes clés de ces décisions. Loin d'être révolutionnaires, comme le prétendent certaines critiques, l'arrêt et les deux décisions de la Grande Chambre s'inscrivent dans la droite ligne de la jurisprudence environnementale déjà développée par la CourEDH. Prenons, par exemple, l'irrecevabilité pour non-épuisement des griefs contre le Portugal dans l'affaire Duarte et la confirmation du principe de subsidiarité comme un fil conducteur de la Convention. La CourEDH a rejeté la vision de la subsidiarité défendue par les requérants, en réitérant les raisons pour lesquelles les tribunaux nationaux doivent être les premiers à se prononcer avant que la Cour de Strasbourg soit saisie(77). L'orthodoxie se reflète également dans l'approche de la Grande Chambre relative à la marge d'appréciation, qui joue un rôle essentiel dans le domaine environnemental. En effet, tout en cherchant la protection effective des droits humains, la Cour a toujours évité, notamment dans des domaines complexes, techniques ou politiquement et socialement sensibles, d'imposer aux autorités nationales un fardeau insupportable ou excessif en ignorant les choix opérationnels qu'elles doivent faire en termes de priorités et de ressources(78). Dans Klima, elle a su différencier entre la marge réduite des États s'agissant de la nécessité de lutter contre le changement climatique et ses effets néfastes et les choix plus larges qui leur sont disponibles s'agissant des moyens pour mener cette lutte(79). La seule vraie innovation jurisprudentielle est la reconnaissance, sous certaines conditions, de la qualité à agir des associations, même si cet aspect de l'arrêt Klima trouve un fondement solide dans la jurisprudence environnementale existante de la Cour et dans le droit de l'Union européenne et sa jurisprudence Aarhus.

Alors que des recours climatiques s'accumulent devant les juridictions nationales et internationales, les décisions de la Cour de Strasbourg sur le changement climatique démontrent que l'instrument vivant qu'est la Convention est capable de rendre sa protection pertinente même dans des domaines complexes et politiquement sensibles. Cependant, surtout dans ces domaines, la Cour doit procéder avec un mélange de rigueur et de prudence, toujours consciente du rôle primordial des autorités nationales mais prête, lorsque cela s'avère nécessaire, à rappeler auxdites autorités leurs obligations en vertu de la Convention.

(1): Kyrtatos c. Grèce, no 41666/98, § 52, CEDH 2003‑VI.

(2): Des exemples incluent les nuisances causées par une usine de traitement des déchets à proximité d'habitations (Lopez Ostra c. Espagne, 9 décembre 1994, Série A no 303-C) ; les dangers et catastrophes dus à une gestion inadéquate des déchets ménagers (Öneryıldız c. Turquie [GC], no 48939/99, 30 novembre 2004 et Di Sarno et autres c. Italie, no 30765/08, 10 janvier 2012) ; le déversement d'eau en période de fortes pluies (Kolyadenko et autres c. Russie, no 17423/05 et autres, 28 février 2012) ; les essais atmosphériques d'armes nucléaires (L.C.B. c. Royaume-Uni, no 23413/94, 9 juin 1998) ; les émissions toxiques d'usines (Guerra et autres c. Italie, no 14967/89, 19 février 1998) ; l'exposition à des substances toxiques comme l'amiante dans un chantier naval géré par l'État (Brincat et autres c. Malte, no 60908/11 et al., 24 juillet 2014) ; la pollution et les odeurs causées par la circulation aérienne et routière (Hatton et autres c. Royaume-Uni [GC], no 36022/97, 8 juillet 2003 et Kapa et autres c. Pologne, no 75031/13, 14 octobre 2021) ; la pollution industrielle et la contamination des sols (Tătar c. Roumanie, no 67021/01, 27 janvier 2009 et Kotov et autres c. Russie, no 6142/18, 11 octobre 2022).

(3): Voir Hamer c. Belgique, no 21861/03, § 79, ECHR 2007-V.

(4): Voir, parmi d'autres, O'Sullivan McCarthy Mussel Development Ltd c. Irlande, no 44460/16, § 109.

(5): Voir F. Krenc, « La CEDH : un 'instrument vivant' pour les générations présentes et futures » dans CJUE, EUnited in Diversity. The Rule of Law and Constitutional Diversity, Conference Proceedings, the Hague, 2023, p. 231-241, spéc. p. 238-239.

(6): Voir, par exemple, O'Sullivan McCarthy Mussel Development, précité, où étaient en cause les éventuelles conséquences conventionnelles d'un manquement de l'État défendeur à ses obligations en vertu du droit de l'Union.

(7): Voir le Guide sur la jurisprudence – Environnement de la CourEDH, accessible à https://ks.echr.coe.int/documents/d/echr-ks/guide_environment_fre.

(8): Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autres c. Suisse [GC], no 53600/20, 9 avril 2024 (ci-après « Klima ») ; Carême c. France [GC] (déc.), no 7189/21, 9 avril 2024 et Duarte Agostinho et autres c. Portugal et 32 autres [GC] (déc.), no 39371/20, 9 avril 2024.

(9): Cons. const., déc. n° 2022-843 DC du 12 août 2022, Loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

(10): La liste est disponible à l'adresse suivante : https://www.echr.coe.int/documents/d/echr/FS_Climate_change_FRA.

(11): Voir, en particulier, les explications aux §§ 410-422 et 445-451 de l'arrêt Klima.

(12): Ibid., §§ 410-457.

(13): Voir, par exemple, Tătar c. Roumanie, précité, § 112.

(14): Klima, précité, §§ 431-457 et §§ 556-557.

(15): Pavlov et autres c. Russie, no 31612/09, 11 octobre 2022, § 61, qui concernait l'article 8 et la pollution industrielle.

(16): Klima, précité, § 412.

(17): Les principales différences ont été énumérées dans l'arrêt Klima, précité, aux §§ 416-422.

(18): Klima, précité, § 454.

(19): Ibid., § 456.

(20): L. Gay, « Environnement et changement climatique : le Conseil constitutionnel fait entrer en scène les générations futures », Revue française de droit constitutionnel, 2023, 134, p. 461.

(21): Klima, précité, § 420. Voir aussi la référence à l'avis de la Commission de Venise de 2020 cité dans le § 199 de Klima.

(22): Pour une analyse comparative de la manière dont le partage des charges intergénérationnelles a été pris en compte dans le raisonnement judiciaire national, voir S. Djemni-Wagner et V. Vanneau, Droit(s) des générations futures, 2023, Institut des Études et de la Recherche sur le Droit et la Justice.

(23): Klima, précité, § 436.

(24): Voir ces différentes dimensions aux §§ 424-426 et §§ 431-440 de l'arrêt Klima.

(25): L'arrêt Klima, précité, contient un aperçu détaillé des conclusions scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) – voir §§ 107-120.

(26): Notamment la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et l'Accord de Paris (12 décembre 2015, Nations Unies, Série des Traités, vol. 3156).

(27): Pour une base de données mondiale sur la législation relative au changement climatique, voir Law and Policy Search - Climate Change Laws of the World (climate-laws.org).

(28): Voir, par exemple, dans l'Union européenne, l'arrêt Grande-Synthe du 1er juillet 2021 du Conseil d'État, précurseur de l'affaire Carême ; l'arrêt Neubauer de la 1ère chambre du BVerfG du 24 mars 2021, 1 BvR 2656/18 ; l'arrêt de la Cour suprême néerlandaise dans l'affaire État des Pays-Bas c. Stichting Urgenda (20 décembre 2019, NL : HR : 2019 : 2007) ; ou le jugement de la Cour d'appel de Bruxelles dans l'affaire Klimaatzaak, 30 novembre 2023. Au niveau international, voir l'avis consultatif de la Cour interaméricaine des droits de l'homme sur l'environnement et les droits de l'homme, 15 novembre 2017 et le Comité des droits de l'homme des Nations Unies dans Daniel Billy et autres c. Australie, Communication n° 3624/2019, 21 juillet 2022.

(29): Voir, par exemple, O'Keeffe c. Irlande [GC], no 35810/09, § 149, CEDH 2014 (extraits).

(30): Voir l'arrêt Klima, précité, § 442.

(31): Voir, par exemple, M.N. et autres c. Belgique [GC], no 3599/18, §§ 96-126, 5 mai 2020.

(32): Voir l'aperçu des principes généraux relatifs à l'Article 1 dans H.F. et autres c. France [GC], nos 24384/19 et 44234/20, 14 septembre 2022.

(33): Ibid., au § 190.

(34): Banković et autres, précité, §§ 54-82.

(35): Duarte, précité, §§ 191-194.

(36): Ibid., au § 208.

(37): Affaire C-565/19 P Armando Carvalho et autres c. Parlement européen et Conseil de l'UE, EU : C : 2021 : 252. Les appelants dans cette affaire opéraient dans les secteurs de l'agriculture et du tourisme. Ils étaient trente-six individus appartenant à des familles de divers États membres de l'Union européenne, à savoir l'Allemagne, la France, l'Italie, le Portugal et la Roumanie, ainsi que du reste du monde, tels le Kenya et les Fidji, ainsi qu'une association régie par le droit suédois, qui représentait de jeunes autochtones Samis.

(38): Duarte, précité, §§ 196-198.

(39): Voir, par exemple, Yusufeli c. Turquie (déc.), no 37857/14, § 41, 7 décembre 2021.

(40): Voir, par exemple, Roman Zakharov c. Russie [GC], no 47143/06, § 164, CEDH 2015. Voir l'approche de la CJUE relative aux actions directes et le raisonnement dans Carvalho, précité, § 48 : « [...] l'affirmation selon laquelle les actes en question enfreignent des droits fondamentaux n'est pas suffisante en soi pour établir que l'action intentée par un individu est recevable, sans risquer de rendre vaines les exigences du quatrième alinéa de l'Article 263 TFUE ».

(41): Voir la discussion dans l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles dans l'affaire VZW Klimaatzaak, précité, § 119. Voir, pour des exemples tirés de la jurisprudence de la CourEDH : Vallianatos et autres c. Grèce [GC], nos 29381/09 et 32684/09, § 47, CEDH 2013 (extraits) (reconnaissance des partenariats entre personnes de même sexe), Aksu c. Turquie [GC], nos 4149/04 et 41029/04, CEDH 2012 (protection des groupes ethniques ciblés comme les Roms), Hardy et Maile, précité (protection des habitants d'une ville concernée par la construction et l'exploitation de terminaux de gaz naturel liquéfié dans un port local) ou Di Sarno et autres c. Italie, no 30765/08, 10 janvier 2012 (questions relatives à la gestion et à l'élimination des déchets dans une communauté locale).

(42): Gorraiz Lizarraga et autres c. Espagne, no 62543/00, § 38, CEDH 2004-III.

(43): Klima, précité, § 484.

(44): Ibid., §§ 486-488.

(45): Ibid., §§ 527-535.

(46): Carême, précité, § 84 : « [...] juger que le requérant puisse prétendre à cette qualité de victime rendrait difficile de distinguer la défense des intérêts poursuivie par la voie de l'actio popularis – laquelle n'est pas reconnue dans le système de la Convention – des situations où il existe un besoin impérieux d'assurer la protection individuelle d'un requérant contre les atteintes que les effets du changement climatique pourraient porter à la jouissance de ses droits fondamentaux ».

(47): Duarte, précité, §§ 216-229.

(48): Klima, précité, §§ 34-60 et 460-472.

(49): Gorraiz Lizarraga et autres, précité, § 38.

(50): Voir, par exemple, Deutsche Umwelthilfe eV c. République fédérale d'Allemagne, C-873/19, EU : C : 2022 : 857, § 68 : « [...] les règles du droit de l'environnement de l'UE [...] sont généralement dans l'intérêt public, plutôt que simplement dans l'intérêt de certains individus, et [...] l'objectif de ces associations [environnementales] est de défendre l'intérêt public ».

(51): Klima, précité, §§ 482-503. L'association requérante doit être : (a) légalement établie dans la juridiction concernée ou y avoir qualité pour agir  ; (b) capable de démontrer qu'elle poursuit un objectif statutaire dédié à la défense des droits humains de ses membres ou d'autres individus affectés dans la juridiction concernée sur des questions liées au changement climatique ; et (c) capable de démontrer qu'elle peut être considérée comme véritablement qualifiée et représentative pour agir au nom des individus concernés par des menaces spécifiques ou des effets néfastes du changement climatique sur leur vie, santé ou bien-être, tels que protégés par la Convention.

(52): Voir Greenpeace e.V. et autres c. Allemagne (déc.), § 1, no 18215/06, 12 mai 2009 ou Besseau et autres c. France (déc.), no 58432/00, 7 février 2006.

(53): Klima, précité, § 502.

(54): Voir également M. Milanovic, « A Quick Take on the European Court's Climate Change Judgments », Ejil Talk !, 9 avril 2024.

(55): Voir §§ 503 et 637 de Klima à cet égard.

(56): Voir, par exemple, Gorraiz Lizarraga et autres, précité ; Collectif national d'information et d'opposition à l'usine Melox – Collectif Stop Melox et Mox c. France (déc.), no 75218/01, 28 mars 2006 ou, plus récemment, Association Burestop 55 et autres c. France, nos 56176/18 et 5 autres, 1er juillet 2021.

(57): Gherghina c. Roumanie (déc.) [GC], no 42219/07, § 83, 9 juillet 2015 ou FU QUAN, s.r.o. c. République tchèque [GC], no 24827/14, §§ 83-88, 1er juin 2023.

(58): Klima, précité, § 614.

(59): Klima, §§ 608-625. Notez cependant que le grief fondé sur l'Article 6 § 1 qui a été jugé recevable était limité, la Cour ayant souligné que l'Article 6 ne va pas jusqu'à garantir un recours permettant de contester les lois d'un État contractant en tant que telles, ni ne couvre les plaintes d'actio popularis.

(60): Klima, précité, §§ 635-636.

(61): Voir P. Eeckhout, « From Strasbourg to Luxembourg. The Klimaseniorinnen judgment and EU remedies », VerfBlog, 5 juin 2024. Il est à noter que la Commission européenne est intervenue en tant que tierce intervenante dans l'affaire Duarte, tant par écrit qu'à l'oral.

(62): Voir A. Sikora-Kaléda, « Just as ripples spread out when a single pebble is dropped into water'- ECHR KlimaSeniorinnen judgment's systemic effects on the EU legal order », EU Law Live, 27 juin 2024.

(63): Voir Carvalho, précité, §§ 86-89.

(64): Voir l'extrait de l'arrêt de la CJUE de 1998 dans Stichting Greenpeace Council (Greenpeace International) et autres c. Commission, C-321/95 P, EU : C : 1998 : 153, paragraphes 17‑18, reproduit au § 215 de Klima.

(65): Voir Carvahlo, précité, § 91.

(66): Airey, précité, §§ 25-26.

(67): Klima, précité, §§ 536-537. Voir, en revanche, la Cour d'appel de Belgique dans l'affaire Klimaatzaak qui a préféré trancher le grief sous l'article 2 de la Convention.

(68): Voir Klima, précité, §§ 544-545 et, dans le contexte du droit environnemental classique, Cuenca Zarzoso c. Espagne, no 23383/12, § 51, 16 janvier 2018. Pour le rejet des arguments du juge dissident (Eicke), selon lesquels l'arrêt majoritaire crée un « nouveau droit » et impose une « nouvelle obligation », voir J. Letwin, « Klimaseniorinnen : the innovative and the orthodox », EJIL Talk !, 17 avril 2024 et S. Theil, « Substantively orthodox : three takeaways from the ECHR climate change decisions », UK Human Rights Blog, 19 avril 2024.

(69): Klima, précité, § 547.

(70): Ibid., § 548.

(71): Ibid., §§ 549 et 555.

(72): Voir J. Gerards, General principles of the European Convention on Human Rights, CUP, Cambridge, 2023.

(73): Klima, précité, §§ 541-543.

(74): Ibid., §§ 558-574.

(75): Klima, précité, § 567.

(76): J. Reich, « Klimaseniorinnen and the Choice Between Imperfect Options », VerfBlog, 18 avril 2024.

(77): Voir Duarte, précité, § 228.

(78): Voir Öneryıldız c. Turquie [GC], précité, § 107.

(79): Klima, précité, §§ 542-543.

Citer cet article

Síofra O'LEARY. « La contribution récente de la CEDH à la protection de l'environnement et des générations futures », Titre VII [en ligne], n° 13, L'environnement, novembre 2024. URL complète : https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/la-contribution-recente-de-la-cedh-a-la-protection-de-l-environnement-et-des-generations-futures