Résumé

Au contentieux, le réveil de la Charte de l'environnement a pu sembler timide et son envol encore incertain. Loin de provoquer l'immobilisme que certains pouvaient craindre, la Charte accompagne plus qu'elle n'encadre les politiques publiques environnementales. Et pour cause, le Conseil constitutionnel a tardé à interpréter ses énoncés et à identifier les obligations qu'ils imposent aux pouvoirs publics. Mais, à la faveur des défis environnementaux toujours plus urgents, la situation pourrait évoluer en révélant l'interdépendance de la protection de l'environnement et des autres dispositions constitutionnelles ou en mobilisant encore davantage son préambule.

Montesquieu rappelait « les obligations de l'État, qui doit à tous les citoyens une subsistance assurée, la nourriture, un vêtement convenable, et un genre de vie qui ne soit point contraire à sa santé ».

De l'esprit des lois, L. 23 ch. 29, 1748

Rio, 1992 : venus des quatre coins de la planète, avec des origines et des opinions des plus variées, des citoyens, des militants, des politiques et des représentants des États sont réunis par un formidable mouvement d'espoir et de fraternité. Pour protéger l'environnement et la pérennité de l'espèce humaine, des juristes y étudient notamment la constitutionnalisation du droit de l'homme à un environnement sain(1). Quelques décennies plus tard, que reste-t-il de cet espoir ? L'insuffisance des mesures adoptées, la timidité des juges, la puissance des lobbies, les changements climatiques, la multiplication des mégafeux, des inondations, des tornades, la destruction alarmante de la biodiversité, l'émergence, dans de nombreux pays, d'idéologies d'extrême-droite, traditionnellement hostiles à la protection de l'environnement(2), peuvent désespérer les optimistes les plus résolus. Dans ce contexte, la Charte de l'environnement, après deux décennies, est-elle ou peut-elle devenir une ressource pour contribuer à la survie des générations présentes et futures ?

Le premier sommet de la terre à Rio fut un puissant accélérateur de la constitutionnalisation des droits environnementaux, notamment en France. Notre Charte de l'environnement n'est pas une exception ni le fruit du hasard. Elle s'inscrit dans un vaste mouvement mondial qui a déterminé son contenu et qui doit aujourd'hui marquer son interprétation. Certes, avant 1992, il existait déjà une constitutionnalisation des normes environnementales dans quelques pays. Avant les années soixante-dix, de rares constitutions traitaient de certains aspects de l'environnement. Ainsi, la Constitution italienne citait-elle la protection des paysages naturels. Mais c'est surtout à partir de 1971 que la protection de l'environnement est constitutionnalisée de manière beaucoup plus globale, avec la Constitution de Pennsylvanie, qui reconnaît le droit de chacun à l'environnement, y compris pour les générations futures (art. 7, section 27). Certes, ce n'est que la Constitution d'un État membre, mais c'est le début d'une saine émulation entre droit international et droit constitutionnel. Dès 1972, la déclaration de Stockholm proclame plusieurs principes environnementaux fondamentaux, dont le droit de l'homme à un environnement sain. A partir de cette date, alors même qu'il s'agit d'une simple déclaration et non pas d'un traité qui s'imposerait directement, pratiquement tous les États qui changent de Constitution, ou qui la révisent, y insèrent des dispositions relatives à la protection de l'environnement. Ces changements constitutionnels sont surtout favorisés par la vague de démocratisation que l'on observe à l'échelle de la planète, lorsque de nombreux pays sortent d'une dictature d'extrême droite (Espagne, Portugal, Grèce, dans les années soixante-dix, Amérique latine dans les années quatre-vingt) ou d'extrême gauche (pays de l'Est et leurs pays satellites à partir de la fin des années quatre-vingt). Les pays marxistes avaient, pour leur part, reconnu des droits environnementaux dès les années soixante-dix, mais ils étaient le plus souvent restés lettre morte jusqu'à la chute du mur de Berlin. Ces normes internationales et constitutionnelles sont toutes légitimées par la prise de conscience mondiale de la dégradation de l'environnement, et elles se confortent mutuellement(3). En 1992, le sommet de Rio aboutit à une simple déclaration, là encore, mais elle précise une série de principes essentiels qui vont essaimer dans les constitutions de nombreux pays. Deux ans plus tard, la Cour européenne des droits de l'homme, appliquant une convention datée de 1950 et donc muette sur la protection de l'environnement, déduit du droit à une vie familiale normale reconnu par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme un droit de vivre dans un environnement sain, dans l'arrêt Lopez Ostra contre Espagne. C'est une étape majeure. Les États signataires de la Convention européenne des droits de l'homme peuvent dès lors craindre une condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme s'ils ne garantissent pas le droit de l'homme à un environnement sain. Dans les mois qui suivent, la France reconnaît ce droit au niveau législatif (Loi Barnier, 1995). Dix ans plus tard, c'est enfin au niveau constitutionnel que le droit de l'homme à un environnement sain et plusieurs principes fondamentaux sont garantis, dans la Charte de l'environnement, adoptée en 2004, puis constitutionnalisée en 2005.

En France, alors même que des hommes politiques de droite comme de gauche(4) et des membres de la doctrine(5) avaient déjà préconisé la reconnaissance de droits environnementaux depuis les années soixante-dix et que le peuple était très favorable à la Charte de l'environnement, elle fit l'objet d'attaques virulentes avant même sa naissance. Au sein de la Commission Coppens, qui rédigeait la Charte, les échanges furent parfois si rudes que certains membres faillirent démissionner(6). Des bataillons de juristes furent lancés contre ce qui n'était encore qu'un projet de Charte. Ils rivalisèrent d'imagination pour affirmer que la Charte ne contenait pas vraiment des normes juridiques, mais tout au plus des objectifs de valeur constitutionnelle, s'imposant au législateur mais non invocables directement devant les juges. Ils conçurent des édifices byzantins pour déclarer que seul l'article 5, qui énonçait un principe de précaution moins exigeant que celui qui était reconnu dans la Déclaration de Rio, avait une valeur normative (une sorte d'écran constitutionnel contre le droit international, en somme), alors que les autres auraient une normativité faible ou nulle. Ils estimèrent que la Charte était trop vague, imprécise, floue, pour être appliquée(7). Tout comme certains avaient longtemps estimé, dans les siècles passés, que la liberté et l'égalité étaient trop vagues pour être appliquées directement par les juges. Le devoir de protéger l'environnement leur semblait une abomination, alors qu'aucun d'eux n'avait jamais contesté le devoir de travailler reconnu dans le Préambule de la Constitution de 1946.

Ces augures annonçaient des torrents de contentieux et d'interminables conflits. Ils n'ont pas eu lieu. La vigueur de ces attaques pouvait laisser pantois. Comme l'a observé David Boyd, cette batterie d'arguments contestables, toujours la même, a été déployée systématiquement dans tous les pays qui ont adopté des normes constitutionnelles environnementales(8). Ces arguments reflétaient l'ignorance profonde d'une partie de la doctrine constitutionnelle sur les questions environnementales. Ainsi, Guy Carcassonne commentait-il le devoir de prendre part à la préservation de l'environnement (art. 2 de la Charte) en ces termes : « je suis parti débroussailler et ramasser des papiers gras mais je reviens de suite »(9). À l'heure où la pollution de l'air tue 67 000 personnes par an en France, cela laissait un peu songeur. Cette incurie des constitutionnalistes sur le sujet s'est prolongée. Pendant très longtemps, les manuels de droit constitutionnel étaient presque tous muets ou indigents sur la Charte de l'environnement, et c'est encore le plus souvent le cas, à de très rares exceptions près(10). Ces contestations de la Charte pouvaient aussi refléter une mauvaise compréhension de l'intérêt de certains groupes, notamment d'assureurs, d'agriculteurs ou d'industriels, qui semblaient croire que la protection de l'environnement serait une atteinte intolérable à leurs profits alors que c'est bien l'absence de protection de l'environnement qui affecterait le plus gravement leurs chances de survie. Il fut ainsi affirmé que des normes environnementales s'opposeraient aux droits de l'homme, et en particulier à la liberté mais aussi la propriété, alors qu'elles sont indispensables à leur garantie, comme nous le verrons. Ces nombreux articles incitèrent les juges à une excessive timidité dans l'application de la Charte et découragèrent très souvent les requérants de l'invoquer. La Charte semblait ainsi anesthésiée(11) alors, qu'en dépit de ses insuffisances, elle reste l'un des textes les mieux rédigés au monde sur cette question(12).

Aujourd'hui, il n'est en rien saugrenu de protéger l'environnement au niveau constitutionnel, puisque quatre États sur cinq dans le monde disposent de normes constitutionnelles environnementales. Plus de la moitié d'entre eux reconnaissent le droit de l'homme à un environnement sain(13). David Boyd a démontré une corrélation très nette entre adoption de normes constitutionnelles environnementales et réduction des émissions de gaz à effet de serre(14). Les effets des changements climatiques devenant plus visibles, les juges appliquent de plus en plus sérieusement les normes constitutionnelles environnementales, en particulier en Amérique latine(15), ou, lorsqu'il n'existe pas ou peu de telles normes, ils déduisent des droits environnementaux des droits classiques, comme la Cour constitutionnelle fédérale allemande ou comme le fait de mieux en mieux la Cour européenne des droits de l'homme(16).

À l'heure de ses vingt ans, la Charte de l'environnement ne connaît qu'une application très timide, malgré des progrès ces dernières années (A), mais elle dispose d'un potentiel qui mérite d'être valorisé (II).

A) Un bilan contrasté

Le bilan de ces vingt années de jurisprudence de la Charte est quantitativement limité (1) et qualitativement contrasté (2).

1. Un bilan quantitatif limité

En vingt ans, le contentieux de la Charte de l'environnement s'est logiquement déployé devant le Conseil constitutionnel. Toutefois, le juge constitutionnel ne croule pas sous un afflux d'opportunités de mobiliser le texte. En effet, ces vingt dernières années, le Conseil a rendu cinquante-quatre décisions dans lesquelles il mobilise la Charte comme une norme de référence de son contrôle. Trente-et-une ont été rendues à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC ci-après)(17), vingt-et-une à l'occasion du contrôle de constitutionnalité a priori(18) (décisions DC ci-après), deux à l'occasion d'une décision de délégalisation(19). Lissé sur vingt ans, le contentieux de la Charte représenterait donc 2,65 décisions par an. En pratique, d'importantes disparités sont observables. Avec l'entrée en vigueur de la QPC en mars 2010, la Charte a bénéficié d'un « effet QPC ». Ainsi, entre 2011 et 2014, avec la QPC la Charte s'est « réveillée en fanfare »(20), puisque ce sont treize décisions QPC qui seront rendues en trois ans, alors qu'entre 2005 et 2011, le Conseil ne s'en était saisi qu'à cinq reprises ! Entre 2015 et 2024, trente décisions ont été rendues. Leur nombre s'est globalement stabilisé chaque année et le ratio entre décisions DC et QPC s'est également rééquilibré en faveur du contentieux a priori(21). Finalement, ces vingt dernières années, le contentieux de la Charte de l'environnement est donc demeuré quantitativement marginal : sur les mille-deux-cent-soixante décisions DC et QPC rendues entre 2010 et 2024, les cinquante-deux décisions qui mobilisent la Charte ne représentent que 4,2 % du contentieux examiné par le Conseil.

Ce bilan, somme toute modeste, trouve sans doute des explications dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En QPC, l'accès au Conseil constitutionnel a été limité par le tri, parmi les dispositions de la Charte, entre celles qui constituent un droit ou une liberté au sens de l'article 61-1 de la Constitution, et celles qui ne bénéficient pas de cette qualification. En effet, le Conseil constitutionnel a estimé qu'aucune disposition du préambule de la Charte ne pouvait revêtir une telle qualité(22) et rejeté l'invocabilité en « elle-même » de la norme de conciliation de l'article 6(23).

Or, ces exclusions, discutables notamment en logique juridique(24), neutralisent en pratique « le vaste potentiel argumentatif ouvert par les alinéas introductifs de la Charte »(25). Sans doute inspirées par la volonté de réguler le contentieux de la Charte en QPC, elles ont peut-être trop bien joué leur rôle. Elles apparaissent d'ailleurs d'autant moins justifiables dans leur principe que, depuis 2011, à trois reprises, le Conseil constitutionnel s'est appuyé sur le préambule de la Charte pour préciser l'interprétation de ses articles ou d'autres normes constitutionnelles, en DC et en QPC(26). Ce faisant, le Conseil a créé un hiatus, au sein de la Charte, entre les normes invocables et les normes de référence, à l'occasion d'une même procédure – la QPC. Cette situation ne facilite pas, sans doute, son appropriation par les requérants et leurs avocats.

En outre, l'invocation de la Charte apparaît d'une efficacité contrastée. En effet, sur les cinquante-deux décisions DC et QPC rendues, le Conseil constitutionnel a prononcé trente-neuf déclarations de constitutionnalité et treize déclarations de non-conformité, représentant un taux de censure de 21 % ! Cependant, sur ces treize censures, neuf ont bénéficié d'un effet différé et sont acquises sur le même motif : la censure de l'incompétence négative du législateur pour mettre en œuvre le principe de participation du public à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement (article 7 de la Charte)(27).

Ce phénomène a un temps suscité l'attention de la doctrine, voyant en l'article 7 de la Charte « une mine à QPC »(28) tant le principe de participation a rencontré un « succès inattendu »(29). Néanmoins, ce succès est relatif. S'agissant de l'article 7, toutes les censures ont été acquises sur le fondement de l'incompétence négative du législateur(30), le Conseil se gardant de contrôler les « conditions et les limites » définies par la loi. En somme, l'article 7 est pour l'heure entendu comme une norme d'habilitation du législateur, rien de plus, rien de moins(31). Surtout, ce relatif succès de l'article 7 dissimule l'insuccès de l'ensemble des autres dispositions de la Charte. Depuis vingt ans, une seule censure a été acquise sur une autre disposition, dans la décision n° 2021-971 QPC du 18 février 2022, relative à la prolongation de plein droit de certaines concessions minières(32). Pour la première fois, dans cette décision, le Conseil constitutionnel n'invalide pas la loi sur le fondement de l'incompétence négative du législateur. C'est son manquement à une obligation substantielle déduite des articles 1er et 3 de la Charte qui justifie la censure : celle de prévoir, pour l'élaboration de toute décision ayant une incidence sur l'environnement, une évaluation de ses « conséquences environnementales ».

Comment comprendre ce faible nombre de décisions et de censures sur le fondement de la Charte ? Plusieurs hypothèses pourraient être avancées. La première consisterait à délivrer un satisfecit au législateur, le faible nombre de censures pouvant traduire le caractère suffisant du droit en vigueur pour assurer la concrétisation des principes de la Charte. Mais les constats de l'érosion toujours plus forte de la biodiversité, de l'effondrement des puits de carbone naturels, ou encore du niveau de pollution des eaux souterraines ou de l'air respiré dans de nombreuses agglomérations méritent sinon d'écarter, du moins de dépasser cette hypothèse. Une autre hypothèse pourrait se trouver dans les interprétations des dispositions de la Charte faites par le Conseil. En effet, la portée donnée par l'institution aux dispositions de la Charte ou l'intensité de ses contrôles pourrait expliquer le faible nombre de censures et/ou de saisines. Enfin, une dernière hypothèse pourrait tenir au texte lui-même. Objet de nombreux débats à l'occasion de son entrée en vigueur, le texte de la Charte serait-il trop imprécis ? Trop large ?

L'examen plus substantiel de ces vingt années de contentieux de la Charte permet d'avancer dans la résolution de cette énigme.

2. Un bilan qualitatif contrasté

La Charte de l'environnement est-elle plus qu'une norme d'habilitation du législateur ? La question est volontairement provocatrice. Elle n'en est pas moins justifiée. En effet, il y a vingt ans, lors de son entrée en vigueur, de nombreux auteurs insistaient sur le fait que la Charte de l'environnement serait dépourvue de « normes » encadrant l'exercice de la compétence du législateur. La Charte apparaissait souvent au mieux comme une liste d'objectifs assignés à la loi, au pire comme du non-droit(33).

Ces analyses n'étaient pas dépourvues de paradoxes et ont fait l'objet de vives critiques(34). Pourtant, il semble qu'elles aient, un temps, exercé une influence sur la mobilisation de la Charte par le Conseil. Le contentieux de la Charte peut, de notre point de vue, être divisé en trois temps : le temps de la prise en main (2005-2010), le temps du ballon d'essai (2011-2019) et le temps de l'interprétation contenue (2019 à nos jours). Ces trois temps correspondent à l'évolution des postures du Conseil constitutionnel.

En effet, durant la première période, le Conseil constitutionnel a rendu très peu de décisions, cinq, sur le fondement de la Charte. Dès 2005, il mobilisait l'article 6 de la Charte de l'environnement pour reconnaître la compétence du législateur pour « déterminer, dans le respect du principe de conciliation posé par ces dispositions, les modalités de sa mise en œuvre »(35) et contrôler que la loi ne méconnaît « aucun des intérêts mentionnés à l'article 6 »(36). Néanmoins, l'intensité du contrôle apparaît très relâchée. Le Conseil vérifie, dans les motifs de ses décisions, la prise en compte des intérêts sociaux, économiques et environnementaux, mais n'apprécie ni le caractère suffisant de leur prise en compte, ni le caractère équilibré de leur conciliation. Trois ans plus tard, il clôt enfin la discussion sur la valeur juridique du texte en affirmant, solennellement, que « l'ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement, ont valeur constitutionnelle » et « s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectif »(37). Ici, il reconnaît sans réserve la portée du texte et son caractère normatif (il « s'impose »). En définitive, deux enseignements pouvaient être tirés de ce premier temps : le législateur est compétent pour mettre en œuvre les droits, obligations et principes énoncés par la Charte, le Conseil est un gardien du respect de ces principes par le législateur.

Dans un deuxième temps, la jurisprudence semble plus encline à donner corps au contrôle de l'incompétence négative, qu'à préciser les conditions s'imposant au législateur au titre de la mise en œuvre de la Charte. Entre 2010 et 2019, vingt-sept décisions ont été rendues. Comme on l'a vu, la moitié de ces décisions concerne le principe de participation, pour lequel le Conseil se cantonne à un contrôle de l'incompétence négative(38). Au fil des décisions, des précisions sont également apportées sur le champ d'application de la Charte(39), mais aussi sur l'interprétation de ses dispositions. À deux reprises, le Conseil constitutionnel récuse l'invocation à rebours du principe de précaution(40). Pour le juge, le principe de précaution ne peut être invoqué que pour contester l'insuffisance des mesures de précaution prises par le législateur, non leur excès(41). Ensuite, dans une décision très remarquée(42), il déduit des articles 1er et 2 de la Charte une obligation de vigilance environnementale, pesant sur toute personne, affirmant par là-même la possibilité d'un effet horizontal de la Charte(43). Enfin, il reconnaît au préambule de la Charte une invocabilité d'interprétation d'autres dispositions constitutionnelles(44). Si le Conseil semble donc vouloir préciser l'objet de certaines dispositions de la Charte, ces élans sont temporisés par un contrôle très relâché de leur respect par le législateur. Le cas de l'obligation de vigilance en matière environnementale est particulièrement éloquent : après avoir reconnu l'existence de l'obligation, il renvoie au législateur le soin de « définir les conditions dans lesquelles une action en responsabilité peut être engagée sur le fondement de la violation de cette obligation » et affirme n'opérer qu'un contrôle de sa dénaturation par la loi(45). Plus généralement, ce contrôle restreint est également palpable s'agissant de l'article 1er de la Charte, au point qu'il est même difficile à la lecture de caractériser les termes du contrôle opéré(46). Il faut dire qu'après la décision n° 2012-282 QPC(47), et selon l'interprétation qu'en donnait le Conseil lui-même, l'article 1er se voyait, de manière extrêmement contestable, dénier la qualité de « droit subjectif invocable en tant que tel »(48) et dès lors, le régime de contrôle habituellement associé à ces normes était écarté. De même, le Conseil continuait de ranger l'environnement parmi les motifs d'intérêt général au lieu de l'intégrer parmi les exigences constitutionnelles, alors même que la lettre du texte constitutionnel est limpide : il proclame bien un droit de l'homme : « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé »(49).

Finalement, à partir de 2019, une nouvelle inflexion de la jurisprudence s'opère. Discrètement d'abord, le Conseil accepte de réaliser un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation des objectifs assignés par la loi à l'action de l'État au regard de l'article 1er de la Charte(50), abandonnant par là-même sa jurisprudence sur l'impossible contrôle des dispositions programmatiques(51). Puis, en 2020, il hisse l'objectif de protection de l'environnement au rang des exigences constitutionnelles(52), avant de finalement admettre d'opérer deux nouveaux contrôles pour le respect de l'article 1er : un contrôle de proportionnalité d'abord(53), un contrôle des garanties légales des exigences constitutionnelles ensuite(54). Plus encore, renouvelant l'interprétation de la Charte à la lumière de son préambule, il définit une nouvelle obligation pour le législateur sur le fondement de l'article 1er : celle de ne pas porter atteinte à la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins(55). Néanmoins, ces évolutions ne doivent pas tromper : l'intensité du contrôle du Conseil ne s'est pas pour autant renforcée. Il maintient un « contrôle de proportionnalité restreint »(56), s'abritant derrière un « pouvoir d'appréciation [qui] n'est pas de même nature »(57) que celui du législateur, mais aussi derrière « l'état des connaissances et des techniques »(58). Si ces réserves sont classiques dans le cadre du contentieux constitutionnel, en matière environnementale, elles produisent une impression curieuse. La protection de l'environnement vue par le Conseil se réduit à l'énumération de conditions et de limites procédurales, matérielles, ou temporelles apportées par le législateur à des activités ou des décisions qui auront une incidence sur l'environnement. Ce contrôle ne laisse nulle place à la vérification du caractère sinon adapté, du moins suffisant de ces conditions et limites pour préserver le patrimoine commun que constitue l'environnement. Finalement, comme pour l'article 7, le contrôle consiste à vérifier l'existence d'un régime de protection législative de l'environnement, non à apprécier son caractère adapté ou suffisant au regard de ses effets.

En somme, vingt ans après son entrée en vigueur, au regard de son application, on peine toujours à identifier les obligations positives qui pèsent sur le législateur pour concrétiser les droits, principes et obligations énoncés souvent très explicitement par la Charte. La décision d'octobre 2022 semble toutefois ouvrir une brèche. En activant le principe, énoncé par le préambule, selon lequel le législateur ne doit pas priver les générations futures de la capacité de satisfaire leurs propres besoins, le Conseil paraît introduire une dimension temporelle au contrôle de l'article 1er de nature à justifier une obligation de protection de l'environnement au bénéfice des générations futures. Reste à savoir comment le juge contrôlera cette obligation : osera-t-il évaluer les effets dans le temps des conditions et des limites apportées par la loi à la protection de l'environnement ou sur l'exercice futur des droits et libertés fondamentaux, ou se contentera-t-il, comme pour les générations présentes, de vérifier que le législateur y a pensé ?

Car le Conseil constitutionnel dispose de nombreux outils pour aller plus loin en matière de protection de l'environnement.

B) Un potentiel à valoriser

Une meilleure valorisation de la Charte pourrait aussi résulter en particulier de son appui renforcé sur les droits traditionnels (1) et sur la mobilisation plus approfondie de son préambule (2).

1. Étayer la Charte sur les droits classiques pour mieux la valoriser

Certains arguments ont souvent été avancés pour freiner l'application de la Charte.

Rappelons que tous les droits auxquels renvoie le Préambule de la Constitution font pleinement partie de la Constitution. La Constitution contient deux groupes de normes : d'une part, les dispositions du Préambule - et donc des textes auxquels il renvoie, à savoir la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le Préambule de 1946 et la Charte de l'environnement - et, d'autre, part les articles de la Constitution. Toutes ces normes ont exactement la même valeur juridique dès lors qu'elles sont inscrites dans le texte de la Constitution. Lorsque le Préambule de la Constitution dispose que le peuple français réaffirme solennellement son attachement à ces trois textes, cela signifie clairement qu'il reconnaît leur pleine valeur constitutionnelle, exactement comme pour les articles de la Constitution(59). La jurisprudence du Conseil constitutionnel est très claire sur ce point. Il est d'autant plus important de le rappeler que certains partis ont manifesté leur souhait de supprimer le contrôle de la constitutionnalité des lois par rapport à ces droits(60).

Quelques auteurs ont par ailleurs reproché aux normes de la Charte d'être trop générales pour pouvoir être applicables directement. Mais elles ne sont pas plus vagues que la liberté, l'égalité, ou le droit de propriété(61).

Il a aussi souvent été affirmé que la protection de l'environnement serait trop novatrice et contraire aux droits de l'homme, notamment à la liberté. Pourtant, l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (ci-après DDHC) de 1789 est on ne peut plus clair : « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui (...) ». Donc la liberté de polluer, de favoriser les changements climatiques et/ou la réduction de la biodiversité n'a tout simplement jamais existé. On ne saurait dès lors en aucun cas prétendre que la liberté d'entreprendre implique le droit de polluer, ni que les mesures de protection de l'environnement seraient contraires à la Constitution dès qu'elles limitent les libertés. La limitation de la liberté pour éviter de nuire à autrui est déjà affirmée en 1789 et elle a pleine valeur constitutionnelle. D'ailleurs, la protection des droits et libertés suppose un devoir étatique de protection de l'environnement. Il en va déjà ainsi pour le droit de propriété : la proclamation de la solidarité et de l'égalité de tous les Français face aux calamités publiques justifie déjà de protéger les biens aujourd'hui face aux catastrophes naturelles, demain face aux crises liées au changement climatique. De surcroît, seules une vision à très court terme et une profonde méconnaissance de l'environnement peuvent expliquer une telle vision. La Cour constitutionnelle fédérale allemande l'a parfaitement démontré : si l'on ne lutte pas assez efficacement contre les changements climatiques aujourd'hui, alors la liberté des générations futures sera excessivement réduite. Il est donc indispensable de réduire un peu nos libertés aujourd'hui pour ne pas être contraints de les réduire drastiquement demain(62). À l'opposé de tous les discours prétendant que la protection de l'environnement serait contraire aux droits de l'homme, plusieurs conventions internationales et le juge irlandais, notamment, ont clairement démontré que la protection de l'environnement est non seulement compatible mais encore et surtout indispensable à la protection des droits de l'homme.

L'évolution de la situation de l'environnement et les menaces qui pèsent sur la survie de l'espèce humaine du fait des changements climatiques et de la destruction de la biodiversité imposent à chacun de nous, et notamment aux pouvoirs publics, aux requérants et aux juges, d'adapter l'interprétation de tous les droits classiques à ces exigences et de les mobiliser aux côtés des normes de la Charte pour conforter leur efficacité.

Dans la DDHC de 1789, le bonheur évoqué dans le préambule n'est possible que dans un environnement viable. La sûreté (art. 2 DDHC) exige que l'on dispose d'un cadre de vie qui ne nous mette pas en danger, notamment du fait de phénomènes climatiques extrêmes ou de substances polluantes. Jacques Chirac l'avait d'ailleurs clairement expliqué, le 7 décembre 1998 : « le droit à l'environnement, c'est le droit des générations futures à bénéficier de ressources naturelles préservées. C'est la déclinaison, sur un mode nouveau, du droit de tout être humain à la vie, à la liberté et à la sûreté ». La résistance à l'oppression (art. 2 DDHC) peut être entendue comme l'oppression non seulement des États mais aussi de grands groupes privés (nous imposant des produits toxiques ou des informations déformées par exemple). La liberté, nous l'avons vu, ne peut permettre de nuire à autrui (art. 4 DDHC). En outre, la loi ne peut défendre que des actions nuisibles à la société (art. 5 DDHC) et elle est donc parfaitement fondée à limiter des activités polluantes ou dangereuses pour l'équilibre de l'environnement et notamment du climat. Le droit de propriété (art. 2 et 17 de la DDHC) doit être protégé contre les actes qui peuvent porter atteinte à la substance d'un bien (montée du niveau de la mer) ou à son usage (par ex. stérilisation des terres par les pesticides). Les fonctions sociales du droit de propriété peuvent aussi justifier des mesures de restriction du droit de propriété pour protéger l'environnement, comme l'ont montré la Cour de justice de l'Union européenne ou la Cour européenne des droits de l'homme(63). En outre, « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration » (art. 15 DDHC), notamment en matière de protection de l'environnement.

Le Préambule de la Constitution de 1946 est, lui aussi, riche de contreforts aux dispositions de la Charte. La protection de la dignité humaine, déduite de son 1er alinéa par le Conseil constitutionnel, peut être mobilisée pour protéger l'environnement. Des textes internationaux(64), des dispositions constitutionnelles et/ou des décisions juridictionnelles d'autres pays montrent que l'environnement dans lequel nous vivons doit respecter notre dignité. Ainsi, la Haute Cour irlandaise rappelle qu'« un droit à un environnement compatible avec la dignité humaine et le bien-être des citoyens est une condition essentielle de la réalisation de tous les droits humains »(65). L'alinéa 10 du Préambule de la Constitution de 1946 précise que « la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». L'indicatif valant en principe impératif en droit français, il s'agit bien là d'une obligation. Un environnement sain est donc indispensable, comme le montrent les études établissant les graves atteintes au développement des enfants par les perturbateurs endocriniens par exemple. De plus, longtemps après Montesquieu, ce Préambule rappelle que « la Nation doit garantir à tous [...] la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs » (al. 11). Chacun de ces éléments exige que la loi protège l'environnement et il appartient au juge, notamment constitutionnel, d'y veiller. Enfin, la solidarité nationale évoquée au 12e alinéa peut être mobilisée pour faire face aux catastrophes liées aux désordres climatiques.

La mobilisation de toutes ces normes classiques par les requérants et les juges, aux côtés des dispositions de la Charte, est de nature à renforcer le respect et l'efficacité de la Charte, en assurant une interprétation de ces normes anciennes à la lumière de la Charte et réciproquement en assurant l'interprétation de la Charte à la lumière de ces exigences traditionnelles. D'ailleurs, le préambule de la Charte lui-même invite le juge à considérer cette interrelation puisqu'il affirme que : « la diversité biologique, l'épanouissement de la personne, et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l'exploitation excessive des ressources naturelles ». De ce point de vue, la décision Association Meuse nature environnement du 27 octobre 2023 a constitué une occasion manquée. Les requérants appuyaient leur demande de censure sur l'existence d'un principe de solidarité environnementale entre générations fondé sur une interprétation croisée du Préambule de la Constitution de 1946 et de la Charte de l'environnement. Le Conseil aura préféré une interprétation de l'article 1er de la Charte à la lumière de son préambule, même si quelques années plus tôt, il avait déduit, pour la première fois, l'existence d'une liberté découlant du principe de fraternité(66).

2. Une mobilisation moins timorée de la Charte de l'environnement

Ces quatre dernières années, le Conseil constitutionnel a commencé à interpréter la Charte. Mais son ouvrage demeure encore très incomplet. Tout d'abord, il semble que certaines incohérences mériteraient d'être levées. En admettant l'invocabilité d'interprétation du préambule de la Charte de l'environnement, le Conseil constitutionnel a fragilisé davantage la décision par laquelle il avait refusé, sans réserve, de reconnaître l'invocabilité du préambule de la Charte en QPC(67). Désormais, cette jurisprudence n'est plus tenable alors qu'il déduit les obligations de protection de l'environnement de l'article 1er des dispositions de son préambule. Il semble donc nécessaire désormais d'admettre que les dispositions du préambule puissent être invoquées en tant qu'elles permettent de concrétiser des obligations de protection de l'État dont bénéficient les individus au titre de l'article 1er en matière de protection de la diversité biologique, des ressources naturelles, du climat ou des besoins des générations futures face aux atteintes qui leur sont portées par des modes de consommation ou de production.

Ensuite, il apparaît toujours plus nécessaire que le Conseil se dote d'un contrôle de proportionnalité renouvelé en matière environnementale. Il n'est pas question ici de nier que le droit énoncé à l'article 1er puisse faire l'objet d'un grand nombre de concrétisations qui laissent au législateur une marge de discrétion. En effet, la diversité de ses titulaires (« chacun »), de ses bénéficiaires (« toute personne »), de ses obligés ou des prestations de nature à assurer un « environnement équilibré et respectueux de la santé » est incontestable. Toutefois, sans nier le pouvoir d'appréciation du législateur, il serait possible au Conseil constitutionnel d'approfondir d'abord son contrôle en examinant vraiment le caractère adapté des restrictions ou des protections introduites aux droits, obligations et principes énoncés par la Charte. Un tel exercice, habituel au Conseil d'État, devrait le conduire à apprécier si l'exercice du droit ou de la liberté pouvait être satisfait par une mesure moins attentatoire à l'environnement. Il pourrait alors vérifier que la question a bien été examinée par le législateur et/ou que les connaissances techniques et scientifiques ont effectivement été prises en compte par le législateur. Plus encore, le caractère proportionné des restrictions apportées à l'environnement ou le caractère suffisant des mesures de protection pourrait être appréhendé, de manière plus concrète, à la lumière des effets des protections introduites sur la préservation de l'environnement. De ce point de vue, le Conseil pourrait se poser plusieurs questions : le législateur a-t-il procédé à une évaluation complète et sincère des effets des restrictions introduites ou des protections consacrées sur l'environnement ? Ces restrictions ou protections sont-elles de nature à ne pas porter d'atteinte excessive à la préservation des besoins des générations futures ? Au patrimoine commun que constitue l'environnement ?

Ces évolutions, loin de conduire au gouvernement des juges, constitueraient un moyen de prendre au sérieux l'arbitrage juridique que la Charte commande au juge de mener entre l'ensemble des droits et libertés protégés par la Constitution. Car il ne s'agit pas de plaider pour un gouvernement des juges. Il apparaît tout à fait certain que les nombreuses questions introduites par les dégradations environnementales appellent des choix politiques. Mais il est tout aussi certain que le rôle de la justice constitutionnelle est d'assurer que ces choix ne privent pas les citoyens de leurs droits et libertés aujourd'hui et demain.

(1): Not. l'autrice de ces lignes, Marie-Anne Cohendet, invitée au sommet de Rio par le Centre international de droit comparé (M. Prieur, dir.).

(2): V. not. les politiques en ce domaine de V. Poutine, D. Trump (tous deux longtemps climatosceptiques et soutenant les énergies fossiles), de J. Bolsonaro au Brésil (not. déforestation accrue de 278 % en 2019) ou le programme du Rassemblement National, indigent et dangereux pour l'environnement en 2024.

(3): V. M.-A. Cohendet et M. Fleury, « Droit constitutionnel et droit international de l'environnement », Revue française de droit constitutionnel, n° spéc. sur le droit constitutionnel de l'environnement, 2022/2 (n° 122), p. 271, en ligne, et H. Delzangles dans M.-A. Cohendet (dir.), Droit constitutionnel de l'environnement, éd. Mare & Martin, 2021.

(4): V. le rapport L. Armand du 11 mai 1970 prônant la reconnaissance d'un droit subjectif à l'environnement comme droit fondamental ; J. Lecanuet, disc. à La Roche-sur-Yon, RJE, 1976 ; L. Fabius, préconisant d'ajouter à la Déclaration de 1789 le droit de tout être humain à un environnement qui préserve sa santé, son équilibre, son bien-être et ceux des générations futures, colloque Hôtel de Lassay, « Atmosphère et climat », 4 mars 1989 ; M. Barnier, Ass. Nat., avr. 1990 ; É. Balladur, 1er av. 1995, Le Mont-Saint-Michel ; J. Chirac, 7 déc. 1998 (cf. infra), disc. du 3 mai 2001 à Orléans et 18 mars 2002 à Avranches.

(5): V. spéc. G. Martin, De la responsabilité civile pour faits de pollution au droit à l'environnement, Thèse, Nice, 1976, éd. PPS, 1978 ; E. du Pontavice, RJE, 1978, p. 153 et RTD civ. 1967, p. 608 ; J. Untermaier, « Droit de l'homme à l'environnement et libertés publiques », RJE, 1978, p. 329 ; M.-A. Cohendet, « Vers la constitutionnalisation du droit de l'homme à un environnement sain et équilibré » in SFDE, 20 ans de protection de la nature, PULIM, 1998, p. 251.

(6): V. D. Bourg dans M.-A. Cohendet (dir.), Droit constitutionnel de l'environnement, préc., p. 94. et la thèse de N. Huten.

(7): V. spéc. « La Charte constitutionnelle en débat », n° spéc. de la RJE, 2003, et not. l'art. de M.-A. Cohendet sur les effets de la réforme, ainsi que ses échanges très vifs avec Bertrand Mathieu au colloque de la Cour de cassation sur ce thème. Sur la critique de ces arguments, v. M.-A. Cohendet dans M. Prieur et alii, Droit de l'environnement, Dalloz, éd. 2019.

(8): D. Boyd, The environmental rights revolution. A global study of Constitutions, Human rights, and the environment, Law and Society Series, UBCPress, Vancouver, Toronto, 2012.

(9): G. Carcassonne et M. Guillaume, La Constitution, introduite et commentée par, Points, coll. Essais, 2014, p. 456.

(10): Spéc. M.-A. Cohendet, Droit constitutionnel, LGDJ, 6e éd. 2023 (dès la première édition). Certains manuels ont beaucoup évolué sur ce point, spéc. le Contentieux constitutionnel de D. Rousseau et alii, au départ assez rétif et aujourd'hui bien plus objectif sur la Charte et son application.

(11): Voir la Chronique annuelle sur la Charte de l'environnement dans le n° 4 de la RJE depuis 2005 de M.-A. Cohendet avec N. Huten puis M. Fleury.

(12): V. M.-A. Cohendet, « La Charte de l'environnement comme modèle du constitutionnalisme environnemental », in J. Sohnle (dir.), Environmental constitutionalism, What Impact on Legal Systems ?/ Le constitutionnalisme environnemental, quels impacts sur les ordres juridiques nationaux ?, Éd. Peter Lang, Bruxelles, 2019, p. 68.

(13): V. J. May et E. Daly, Global environmental constitutionnalism, Cambridge University Press, 2016 et M.-A. Cohendet (dir.), Droit constitutionnel de l'environnement, préc.

(14): D. Boyd, op. cit., 2012.

(15): V. J. May et E. Daly, « Global judicial handbook on Environmental Constitutionalism », 2e éd. United environment program (UNE, 2018) et M.-A. Cohendet (dir.),Droit constitutionnel de l'environnement, préc.

(16): V. infra. Très récemment, voir la décision Cour EDH, grande chambre, Affaire Verdun Klimaseniorinnen Schweiz et autres c. Suisse, req. n° 53600/20.

(17): Cons. const., déc. n° 2023-1066 QPC du 27 octobre 2023, Association Meuse nature environnement et autres ; Cons. const., déc. n° 2022-991 QPC du 13 mai 2022, Association France nature environnement et autres ; déc. n° 2022-990 QPC du 22 avril 2022, Fédération nationale des collectivités de compostage et autres ; déc. n° 2021-971 QPC du 18 février 2022, France nature environnement ; déc. n° 2021-964 QPC du 20 janvier 2022, Société civile immobilière et agricole du Mesnil ; déc. n° 2021-946 QPC du 19 novembre 2021, Société Pétroles de la côte basque ; déc. n° 2021-891 QPC du 19 mars 2021, Association Générations futures et autres ; déc. n° 2020-881 QPC du 5 février 2021, Association Réseau sortir du nucléaire et autres ; déc. n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020, Force 5 ; déc. n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020, Union des industries de la protection des plantes ; déc. n° 2019-794 DC du 20 décembre 2019, Loi d'orientation des mobilités ; déc. n° 2017-672 QPC du 10 novembre 2017, Association Entre Seine et Brotonne et autre ; déc. n° 2016-595 QPC du 18 novembre 2016, Société Aprochim et autres ; déc. n° 2015-518 QPC du 2 février 2016, Association Avenir Haute Durance et autres ; déc. n° 2014-422 QPC du 17 octobre 2014, Chambre syndicale des cochers chauffeurs CGT-taxis ; déc. n° 2014-411 QPC du 9 septembre 2014, Commune de Tarascon ; déc. n° 2014-396 QPC du 23 mai 2014, France Hydro Électricité́ ; déc. n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014, Société Casuca ; déc. n° 2013-346 QPC du 11 octobre 2013, Société Schuepbach Energy LLC ; déc. n° 2013-317 QPC du 24 mai 2013, Syndicat français de l'industrie cimentière et autre ; déc. n° 2013-316 QPC du 24 mai 2013, SCI Pascal et autre ; déc. n° 2013-308 QPC du 26 avril 2013, Association « Ensemble pour la planète » ; déc. n° 2012-283 QPC du 23 novembre 2012, M. Antoine de M. ; déc. n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012, Association France Nature Environnement et autre ; déc. n° 2012-270 QPC du 27 juillet 2012, Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles du Finistère ; déc. n° 2012-269 QPC du 27 juillet 2012, Union Départementale pour la Sauvegarde de la Vie, de la Nature et de l'Environnement et autres ; déc. n° 2012-262 QPC du 13 juillet 2012,Association France Nature Environnement ; déc. n° 2011-192 QPC du 10 novembre 2011, Mme Ekaterina B., épouse D., et autres ; déc. n° 2011-183/184 QPC du 14 octobre 2011, Association France Nature Environnement ; déc. n° 2011-182 QPC du 14 octobre 2011, M. Pierre T. ; déc. n° 2011-116 QPC du 8 avril 2011, M. Michel Z. et autres.

(18): Cons. const., déc. n° 2024-868 DC du 17 mai 2024, Loi relative à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire ; déc. n° 2023-851 DC du 21 juin 2023, Loi relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes ; déc. n° 2023-848 DC du 9 mars 2023,Loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables ; déc. n° 2022-843 DC du 12 août 2022, Loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat ; déc. n° 2021-825 DC du 13 août 2021, Loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ; déc. n° 2021-821 DC du 29 juillet 2021,Loi relative à la bioéthique ; déc. n° 2020-809 DC du 10 décembre 2020, Loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières ; déc. n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020,Loi d'accélération et de simplification de l'action publique ; déc. n° 2019-796 DC du 27 décembre 2019, Loi de finances pour 2020 ; déc. n° 2019-781 DC du 16 mai 2019, Loi relative à la croissance et la transformation des entreprises ; déc. n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; déc. n° 2018-772 DC du 15 novembre 2018, Loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ; déc. n° 2018-768 DC du 26 juillet 2018, Loi relative à la protection du secret des affaires ; déc. n° 2016-737 DC du 4 août 2016, Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ; déc. n° 2015-718 DC du 13 août 2015, Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ; déc. n° 2014-694 DC du 28 mai 2014, Loi relative à l'interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié ; déc. n° 2013-666 DC du 11 avril 2013, Loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes ; déc. n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, Loi de finances pour 2010 ; déc. n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, Loi relative aux organismes génétiquement modifiés ; déc. n° 2005-516 DC du 7 juillet 2005, Loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique ; déc. n° 2005-514 DC du 28 avril 2005, Loi relative à la création du registre international français.

(19): Cons. const., déc. n° 2015-256 L du 21 juillet 2015, Nature juridique de dispositions relatives à divers organismes ; déc. n° 2008-211 L du 18 septembre 2008, Nature juridique d'une disposition de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité́ en matière nucléaire.

(20): N. Huten, M.-A. Cohendet, « La charte cinq ans après : Chronique d'un réveil en fanfare », RJE, 2010, n° 1, p. 37.

(21): À date, entre 2015 et 2024, seize décisions DC ont été rendues pour quatorze décisions QPC.

(22): Cons. const., déc. n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014, préc.

(23): Cons. const., déc. n° 2012-283 QPC du 23 novembre 2012, préc. ; déc. n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014, préc.

(24): V. Champeil-Desplats, « Charte de l'environnement : La QPC bute sur l'incipit », La Revue des droits de l'homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, 2014.

(25): Ibid.

(26): Cons. const., déc. n° 2011-192 QPC du 10 novembre 2011, préc. ; déc. n° 2022-843 DC du 12 août 2022, préc. ; déc. n° 2023-1066 QPC du 27 octobre 2023.

(27): Pour être tout à fait complet, il convient de préciser qu'une décision de conformité l'a été sous une réserve d'interprétation, prononcée à la faveur de la déc. n° 2022-843 DC du 12 août 2022. Les deux autres censures sont établies sur le fondement de l'article 13 de la DDHC pour l'une et sur le fondement des articles 1er et 3 de la Charte pour l'autre.

(28): D. Hedary, « La Charte de l'environnement : une mine à QPC ? », Constitutions, 2011, n° 3, p. 407.

(29): A. Van Lang, « Le principe de participation : un succès inattendu », NCCC, 2014, n° 43.

(30): V. par ex., L. Gay, « Défendre l'environnement devant le Conseil constitutionnel. Quelle procédure pour servir la Charte de l'environnement ? », in M. Hautereau-Boutonnet et È. Truilhé, Procès et environnement : quelles actions en justice pour l'environnement ?, Confluence des droits, 2020, p.119-140.

(31): M. Fleury, « La QPC et l'article 7 de la Charte de l'environnement : une définition en clair-obscur du droit de participer », Politeia, n° 37, 2020, p. 601-619.

(32): Cons. const., déc. n° 2021-971 QPC du 18 février 2022, France nature environnement.

(33): V. supra.

(34): V. supra.

(35): Cons. const., déc. n° 2005-514 DC du 28 avril 2005, cons. 37.

(36): Cons. const., déc. n° 2005-516 DC du 7 juillet 2005, cons. 25.

(37): Cons. const., déc. n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, cons. 18.

(38): Elles sont 14 décisions relatives au principe de participation sur la période.

(39): Cons. const., déc. n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012 ; déc. n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014.

(40): Cons. const., déc. n° 2013-346 QPC du 11 octobre 2013 ; déc. n° 2014-694 DC du 28 mai 2014.

(41): ## V. Le Bihan, « Le Conseil constitutionnel »botte-t-il en touche« lorsqu'il ne statue pas sur le grief tiré de la violation de l'article 5 de la Charte de l'environnement ? », RFDA, 2018, p.1045.

(42): Cons. const., déc. n° 2011-116 QPC du 8 avril 2011.

(43): Pour une autre application sur la même période, déc. n° 2017-672 QPC du 10 novembre 2017.

(44): Cons. const., déc. n° 2011-192 QPC du 10 novembre 2011.

(45): Ibid., cons. 6.

(46): Cons. const., déc. n° 2014-422 QPC du 17 octobre 2014 ; déc. n° 2018-772 DC du 15 novembre 2018.

(47): Cons. const., déc. n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012.

(48): Cons. const., déc. n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012.

(49): Cons. const., déc. n° 2016-737 DC du 4 août 2016, paragr. 39.

(50): Cons. const., déc. n° 2019-794 DC du 20 décembre 2019, paragr. 37.

(51): Cons. const., déc. n° 2015-718 DC du 13 août 2015.

(52): Cons. const., déc. n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020.

(53): Cons. const., déc. n° 2020-809 DC du 10 décembre 2020, paragr. 14.

(54): Ibid, paragr. 14.

(55): Cons. const., déc. n° 2023-1066 QPC du 27 octobre 2023.

(56): C. Portier, M. Bonnet, « Le Conseil constitutionnel a-t-il enfoui les générations futures ? Réflexions sur la déc. n° 2023-1066 QPC du 27 octobre 2023 », RDLF 2024, chron. n° 13.

(57): Cons. const., déc. n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012 ; déc. n° 2019-794 DC du 20 décembre 2019, paragr. 36. 

(58): Cons. const., déc. n° 2016-737 DC du 4 août 2016, paragr. 10 ; déc. n° 2021-946 QPC du 19 novembre 2021, paragr. 10.

(59): Sur cette discussion, cf. M.-A. Cohendet, Droit constitutionnel, LGDJ, 6ème éd. 2023, n° 1633 s.

(60): En 2002, le Programme du Front national disposait que « le Conseil constitutionnel contrôle la conformité des lois aux articles de la Constitution », ce qui excluait de fait la plupart des droits de l'homme et notamment la Charte de l'environnement. En 2024, le RN conteste l'action du Conseil en faveur des droits de l'homme et entend l'affaiblir par voie de référendum s'il accède au pouvoir.

(61): P. Rrapi, « Le Conseil constitutionnel face à la Charte de l'environnement, vous avez dit hésitant ? » in M.-A. Cohendet, Droit constitutionnel de l'environnement, préc., p. 355.

(62): Tribunal de Karlsruhe, 24 mars 2021 : les juges ont déclaré inconstitutionnelle la loi sur la protection du climat du 12 déc. 2019, en identifiant une « obligation de protection de l'État contre les dangers du changement climatique ». Cette décision peut être rapprochée de l'affaire Montana aux États-Unis, où les juges ont estimé le 15 août 2023 que le programme relatif aux énergies fossiles est contraire à la protection de l'environnement.

(63): Par ex. à travers les lois sur le régime des eaux, la protection du milieu naturel, l'aménagement du territoire et l'urbanisme (arrêt du 13 déc. 1979, 44-79, Hauer, Rec. CJCE. 3746) ; Ch. Boutayer, « L'expropriation, la protection de l'ouvrage public et la CEDH : une influence européenne au déploiement inégal », JCP A, 2008, p. 36.

(64): Not. la décl. de Stockholm, 1972.

(65): Haute Cour irlandaise, Friends of the Irish Environment / Conseil municipal de Fingal, 2017.

(66): Cons. const., déc. n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018, M. Cédric H et autre.

(67): Cons. const., déc. n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014, v. supra.

Citer cet article

Marie-Anne COHENDET ; Marine FLEURY. « La Charte a 20 ans : un grand potentiel à valoriser », Titre VII [en ligne], n° 13, L'environnement, novembre 2024. URL complète : https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/la-charte-a-20-ans-un-grand-potentiel-a-valoriser