Textes à l'appui : sélection d'arrêts de la Cour constitutionnelle de Bulgarie
Cahiers du Conseil constitutionnel n° 14 (Dossier : Bulgarie) - mai 2003
Décision n° 7 du 4 juin 1996, AC n° 1/96
Interprétation contraignante de la Constitution, liberté d'expression, liberté d'accès à l'information, liberté de la presse.
La procédure est ouverte sur saisine du président de la République de Bulgarie en vue de l'interprétation contraignante des dispositions des articles 39, 40 et 41 de la Constitution.
La Cour constitutionnelle est d'avis que :
I. Les dispositions des articles 39, 40 et 41 de la Constitution de la République de Bulgarie consacrent, comme droits fondamentaux de l'individu, le droit de chacun d'exprimer librement ses opinions et de les diffuser, ainsi que le droit de chercher, de recevoir et de diffuser des informations.
Les dispositions en question protègent le droit à la liberté d'expression de l'individu, qui se trouve sur un pied d'égalité avec la communauté. Ces droits, énoncés dans les articles 39, 40 et 41 de la Constitution, sont considérés comme essentiels pour le développement de l'individu et de la société. Voilà pourquoi ils sont à la base du processus démocratique et contribuent à son fonctionnement.
Les trois dispositions susmentionnées protègent divers aspects du droit de l'individu d'exprimer librement ses opinions et de les diffuser, ainsi que du droit de chercher, de recevoir et de diffuser des informations. Les trois dispositions sont étroitement liées.
L'article 40, alinéa 1 de la Constitution affirme le principe selon lequel la presse et les autres médias sont libres. Il proclame catégoriquement l'interdiction de la censure.
Aux termes de l'article 41, alinéa 1 de la Constitution le droit de chercher, de recevoir et de diffuser des informations s'applique aussi bien aux personnes morales, qu'aux personnes physiques. D'autre part, l'article 41, alinéa 2 de la Constitution garantit aux citoyens le droit d'obtenir des informations auprès d'un organe ou d'un établissement public sur des questions présentant pour eux un intérêt légitime.
Tous les droits, consacrés aux articles 39, 40 et 41 de la Constitution, obligent l'État à s'abstenir d'intervenir lors de leur exercice. La limitation de ces droits est admise aux fins de protection d'autres droits et intérêts garantis par la Constitution, mais uniquement dans le strict respect des principes inscrits dans la Constitution. La limitation de ces droits par la loi ou pour des raisons autres que celles prévues dans la Constitution est impossible. Une raison sérieuse de limitation du droit à la liberté d'expression est l'atteinte portée aux droits et à la dignité d'autrui, car aux termes de l'article 4, alinéa 2 et de l'article 32, alinéa 1, phrase 2 de la Constitution, l'honneur et la dignité de l'individu sont garantis et protégés contre tout atteinte. Cette limitation constitutionnelle ne signifie pas que des critiques ne peuvent être adressées publiquement à des hommes politiques, fonctionnaires d'État et organes publics.
La limitation de ce droit en réponse à des déclarations constituant des incitations à l'hostilité, est fondée sur des valeurs constitutionnelles, telle la tolérance et le respect réciproque ainsi que sur la prohibition de l'incitation à la haine raciale, nationale, ethnique ou religieuse. Or, cette limitation ne signifie pas que la diversité des opinions opposées n'est pas protégée.
Parallèlement au droit de chaque individu d'exprimer librement ses opinions et de les diffuser par différents moyens, l'article 40, alinéa 1 de la Constitution proclame que la presse et les autres médias sont libres et ne peuvent être soumis à la censure. L'interdiction catégorique de la censure reflète le principe selon lequel l'ingérence, quelle qu'elle soit, des organes publics dans l'activité des médias, est inadmissible.
Pour des raisons d'ordre juridique et technique la réglementation par voie législative des aspects organisationnels, structurels et financiers de l'activité des médias électroniques est admise. Une telle loi doit garantir l'indépendance des médias en matière d'organisation, de structures, de personnel, de programmes et de finances. La structuration des médias électroniques nationaux, en tant qu'institutions autonomes et indépendantes, exige la mise en place d'organes dirigeants et/ou de surveillance qui les protégeraient contre l'influence des organes publics, des facteurs politiques ou des représentants d'autres intérêts privés. Une telle influence constituerait l'expression d'une censure au sens de l'article 40, alinéa 1 de la Constitution. L'indépendance dans la gestion courante, l'indépendance rédactionnelle et la responsabilité assumée quant aux programmes et à leur contenu, la liberté de recrutement du personnel et d'application de mécanismes appropriés de financement garantiront à la société son droit d'obtenir des informations complètes, pluralistes, équilibrées et précises.
Relève également des compétences législatives de l'État, l'établissement, par voie législative, d'un régime de licences pour les médias électroniques privés conformément au principe de l'article 40, alinéa 1 de la Constitution, avec pour seules limitations celles prévues par la Constitution quant aux conditions de transparence et d'équité de la procédure.
L'ingérence directe dans l'activité des médias n'est admise que conformément à l'article 40, alinéa 2 de la Constitution. Les mesures en question relèvent de la compétence des organes du pouvoir judiciaire et ne peuvent se justifier que si les conditions prévues dans cette disposition sont réunies.
Le droit de l'individu de chercher et d'obtenir des informations aux termes de l'article 41, alinéa 1 de la Constitution implique, pour les organes publics, l'obligation d'assurer l'accès aux informations ayant un intérêt pour toute la société. Le contenu même de cette obligation doit être défini par voie législative.
Décision n° 12 du 23 juillet 1996, AC n° 13/96
Interprétation contraignante de la Constitution, conditions d'éligibilité des candidats à la présidence de la République.
La procédure est ouverte sur saisine d'un groupe de députés de la 37e Assemblée nationale demandant l'interprétation de la disposition de l'article 93, alinéa 2 de la Constitution de la République de Bulgarie concernant les conditions d'éligibilité du président de la République pour connaître, en particulier, « les conditions aux termes desquelles une personne est citoyen bulgare de naissance » et « sur la base de quelle loi doit être déterminée sa citoyenneté bulgare ».
La Cour constitutionnelle a exprimé l'avis que la nationalité bulgare de naissance au sens de l'article 93, alinéa 2 de la Constitution est acquise sur la base de la naissance elle-même et en vertu de la loi (ex lege) et non pas en vertu d'un acte juridique. L'acquisition de la nationalité de naissance ne doit pas être précédée d'une autre nationalité, quelle qu'elle soit. La volonté du constituant que le président de la République soit un citoyen bulgare de naissance au moment de sa naissance est évidente.
La nationalité de naissance ne s'acquiert qu'une fois dans la vie de l'individu et ce moment est strictement déterminé : il s'agit du moment de sa naissance. Un acte normatif postérieur à la naissance ne peut pas provoquer la déchéance ou le changement de la nationalité de naissance acquise (art. 25, al. 3 de la Constitution). Il est possible qu'après sa naissance et l'acquisition, à ce moment, de la nationalité de naissance, une personne acquière aussi une autre nationalité mais celle-ci ne peut jamais être sa nationalité de naissance.
Décision n° 10 du 22 septembre 1997, AC n° 14/97
Contrôle de constitutionnalité de la loi sur « l'accès aux documents des anciens services de sécurité d'État ».
Par cette décision, prononcée sur saisine de 52 députés de la 38e Assemblée nationale, la Cour constitutionnelle déclare l'inconstitutionnalité de l'article 3, alinéa 1, pages 1 et 3 de la loi sur l'accès aux documents des anciens services de sécurité d'État, en vertu duquel le président de la République de Bulgarie, le vice-président de la République et les membres de la Cour constitutionnelle sont inclus dans la liste des personnes soumises à un contrôle concernant leur appartenance aux anciens services de sécurité d'État.
La Cour est d'avis que le président de la République qui, en tant que chef d'État incarne l'unité du peuple, est élu au suffrage direct par les électeurs et n'est soumis ni au pouvoir législatif et ni au pouvoir exécutif, ceux-ci n'ayant pas le droit de contrôler son activité antérieure ni présente. L'activité du président de la République ne peut être contrôlée que par la Cour constitutionnelle, en présence de conditions déterminées.
Dans sa décision, la Cour constitutionnelle affirme que la procédure de contrôle prévue par la loi sur l'accès aux documents des anciens services de sécurité d'État, n'est pas conforme au statut constitutionnel de la Cour et de ses membres. Voilà pourquoi leur inclusion dans la liste des personnes aux termes de l'article 3, alinéa 1 de la même loi est contraire à la Constitution. La Cour constitutionnelle occupe une place particulière dans le système des organes d'État. Sa place et son importance sont déterminées par les compétences qui lui sont attribuées par l'article 149 de la Constitution, par le mode de nomination et par le statut personnel des juges conformément au principe de séparation des pouvoirs (art. 8 de la Constitution). Le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire et le président de la République de Bulgarie participent, à part égale, à la nomination ou à l'élection des juges constitutionnels. La Constitution exclut toute intervention de l'un de ces pouvoirs qui tendrait à l'appréciation des qualités des juges ou du contrôle de leur nomination ou de leur élection. Il est inadmissible du point de vue de la Constitution que l'activité antérieure ou présente des juges constitutionnels soit contrôlée par le pouvoir exécutif ou par ses organes.
Par la même décision, la Cour proclame l'inconstitutionnalité de la disposition du § 1, p. 3 des dispositions transitoires et finales de la loi sur l'accès aux documents des anciens services de sécurité d'État, désignant comme « collaborateurs » les personnes « dont les noms et les pseudonymes figurent dans le fichier de référence et dans le registre de l'ancienne sécurité d'État ». Les instructions et les ordres émanant des responsables de l'ancienne sécurité d'État, mises à la disposition de la Cour pour les besoins de la présente affaire, montrent que, dans bien des cas, des personnes ont été intégrées dans le fichier ou sur les registres, et que leurs dossiers individuels ont été constitués à leur insu, sans qu'elles aient réellement fourni des informations aux anciens services de sécurité d'État. La Cour considère qu'on ne doit désigner une personne comme « collaborateur » de l'ancienne Sécurité d'État qu'en présence de preuves incontestables, établissant qu'elle aurait fourni sciemment des informations aux organes de l'ancienne sécurité d'État. Il est constitutionnellement inadmissible d'admettre la présomption collective de faute sans preuve concrète de la part des personnes visées. Les conditions sont ainsi réunies pour porter atteinte à la dignité et aux droits des citoyens, valeurs pourtant protégées par la Constitution (art. 4, al. 2). Il y a donc une violation du principe de la justice en tant que valeur constitutionnelle fondamentale (Préambule de la Constitution), et une atteinte aux droits fondamentaux de l'homme, comme l'honneur, la dignité et la réputation (art. 32, al. 1 de la Constitution).
Décision n° 2 du 18 février 1998, AC n° 15/97
Contrôle de constitutionnalité de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales.
Par cette décision, prononcée sur saisine de 50 députés de la 38e Assemblée nationale, la Cour constitutionnelle affirme que les dispositions des articles 7, 8, 9, 10 et 11 de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, signée le 9 octobre 1997, de même que la Convention dans son ensemble sont conformes à la Constitution de la République de Bulgarie.
Sur la conformité du terme « minorités nationales » de la Convention à la Constitution de la République de Bulgarie et sur l'effet de la Convention
La Cour constate que, dans le droit bulgare et dans le droit international, il manque une définition, juridiquement obligatoire, engageant la République de Bulgarie, du terme « minorités nationales ». La Convention elle-même ne définit pas ce terme.
La Cour admet qu'en l'état actuel du droit international la volonté des États signataires est d'accorder à chacun d'entre eux la possibilité de définir le contenu de cette notion.
La Cour est d'avis que la Convention ne crée pas de droits collectifs et ne prévoit pas la protection de tels droits. Les droits exercés conjointement sont en effet les droits de chacun des individus. Une contradiction entre la Convention et la Constitution à ce sujet n'est donc pas possible.
Sur l'article 7 de la Convention
La liberté d'association telle qu'énoncée à l'article 7 de la Convention ne diffère pas dans son contenu constitutionnel de la liberté énoncée aux termes de l'article 44, alinéa 1 de la Constitution. La liberté d'association est de caractère universel. Elle constitue un droit individuel de l'homme et concerne toutes les personnes indépendamment des différences ethniques, religieuses ou linguistiques qui existent entre elles. La restriction du droit d'association n'est admissible que pour les raisons indiquées dans la Constitution et dans les accords internationaux.
Sur l'article 8 de la Convention
La liberté des cultes est énoncée de façon explicite dans la Constitution et dans les accords internationaux auxquels la République de Bulgarie est partie.
La restriction de la liberté des cultes n'est admissible que pour la protection des valeurs explicitement énoncées dans la Constitution et qui sont - la sécurité nationale, l'ordre public, la santé publique et la morale, les droits et les libertés des autres citoyens, la dignité de l'individu. L'utilisation des communautés ou institutions religieuses, ou des convictions religieuses pour propager le fondamentalisme ou l'extrémisme religieux, constitue toujours une violation grave des principes fondamentaux, énoncés dans nombre de dispositions de la Constitution.
Sur les articles 9, 10 et 11 de la Convention
Les trois dispositions de la Convention portent sur le droit des personnes, appartenant à des minorités nationales, d'utiliser une langue minoritaire, d'obtenir et de diffuser des informations dans cette langue, de l'utiliser dans leur vie privée et publique.
Selon la Cour, le manque éventuel de conformité entre les deux termes - « langue minoritaire » au sens de la Convention et « langue maternelle » au sens de la Constitution - doit s'apprécier par rapport aux personnes directement intéressées. Une telle non-conformité ne concerne pas la nature du droit d'utiliser la langue « minoritaire », ou la langue « maternelle », et dans ce sens ne peut être traitée comme une disposition de non-conformité entre la Convention et la Constitution.
La Cour souligne que l'analyse des dispositions de la Convention ne révèle pas une non-conformité à la Constitution sur le plan des normes juridiques. Dans le rapport explicatif de la Convention, il est souligné, de façon explicite, que « les engagements des parties en matière d'utilisation de langues minoritaires ne portent en aucune manière atteinte au statut de la langue ou des langues officielles du pays respectif ».
Sur la conformité de l'ensemble de la Convention à la Constitution
Les droits et libertés, énoncés dans la Convention, sont dûment réglés et protégés, par la Constitution. Ils sont reconnus à chaque être humain indépendamment de son appartenance nationale.
Le contenu des droits et libertés, énoncés aussi bien dans la Convention que dans la Constitution, correspond aux standards modernes des droits fondamentaux de l'homme.
La Cour rappelle que le respect de l'intégrité territoriale est un principe fondamental du doit international et qu'il est énoncé comme tel à l'article 2, alinéa 2 de la Constitution. L'exercice des droits et des libertés, énoncés dans la Convention, n'est admissible et possible que dans le strict respect de ce principe aussi bien en vertu de la Convention qu'en vertu de la Constitution.
La Cour est d'avis que la Convention ne porte pas atteinte au principe de l'unité nationale, énoncé dans la Constitution. L'unité nationale n'exclut pas la présence de différences d'ordre religieux, linguistique et/ou ethnique entre les citoyens de la République de Bulgarie.
Décision n° 12 du 4 juin 1998, AC n° 13/98
Contrôle de constitutionnalité de la loi proclamant propriété de l'État les biens immobiliers des familles des anciens rois Ferdinand et Boris et de leurs héritiers.
Par cette décision, prise à la suite d'une requête du Procureur général, la Cour constitutionnelle établit l'inconstitutionnalité de la loi déclarant propriété de l'État les biens immobiliers des familles des anciens rois Ferdinand et Boris et de leurs héritiers (JO, n° 305 du 31 déc. 1947).
L'étatisation, prévue par cette loi, constitue de par sa nature une privation de propriété privée par la force et sans contrepartie financière. Vu son caractère et ses conséquences elle ne différait en rien de la confiscation. Une atteinte est donc portée au droit de propriété protégé par la Constitution. Cette étatisation est en contradiction avec l'article 17, alinéa 3 et 5 de la Constitution selon lequel la propriété privée est inviolable et ne peut faire l'objet d'une expropriation que dans des conditions strictement déterminées, conditions qui n'étaient pas réunies dans ce cas. L'étatisation des biens effectuée en vertu de la loi attaquée est fondée sur la seule distinction d'origine et de statut personnel des personnes visées par la loi. Le principe d'égalité de tous les citoyens devant la loi et d'interdiction de limitation des droits se fondant sur des critères sociaux comme l'origine, le statut personnel et social, énoncé dans l'article 6, alinéa 2 de la Constitution est ainsi violé.
Disposition n° 6 du 22 avril 1999, AC n° 5/99
Interprétation contraignante de l'article 85-1 de la Constitution, en lien avec l'article 84-11 et l'article 5-4 de la loi fondamentale, ratification des accords internationaux de caractère politique ou militaire.
Cette décision est prononcée sur requête du Conseil des ministres demandant l'interprétation contraignante de l'article 85, alinéa 1, p. 1 de la Constitution en lien avec l'article 84, p. 11 et l'article 5, alinéa 4 de la loi fondamentale.
La Cour constitutionnelle a statué :
1. Aux termes de l'article 85, alinéa 1, page 1 de la Constitution, il relève de la compétence exclusive de l'Assemblée nationale de ratifier, par l'adoption d'une loi, les accords internationaux qui revêtent un caractère politique ou militaire. Ces accords régissent les objectifs, les modalités, les conditions et la durée d'installation des troupes étrangères sur le territoire du pays ou leur passage à travers celui-ci, en tenant compte de la sécurité nationale de la République de Bulgarie et du respect des engagements internationaux auxquels elle a souscrits.
Dans le cas où un accord international de caractère politique ou militaire, contenant des clauses d'installation de troupes étrangères sur le territoire du pays ou de leur passage à travers le pays, aurait été ratifié par le Parlement par une loi, et publié au JO de la République de Bulgarie, il n'est pas nécessaire que le Parlement adopte une décision spéciale pour son exécution (art. 84, al. 11 de la Constitution).
2. Il est possible d'autre part qu'un accord international de caractère politique ou militaire, ratifié par le Parlement par voie législative, publié au JO et entré en vigueur, prévoie qu'une assistance et une protection militaires seraient apportées d'urgence au pays en cas d'attaque armée contre celui-ci. Si, qui plus est, cet accord régit la question de l'installation sur le territoire du pays ou du passage à travers son territoire, des troupes de la partie contractante alliée ou d'une organisation internationale, une décision aux termes de l'article 84, alinéa 11 de la Constitution n'est pas nécessaire.
Décision n° 7 du 3 mai 1999, AC n° 6/99
Contrôle de la constitutionnalité de l'Accord entre la République de Bulgarie et l'OTAN relatif au passage en transit à travers l'espace aérien de la République de Bulgarie des aéronefs de l'OTAN.
La procédure est ouverte sur saisine de 59 députés de la 38e Assemblée nationale lesquels, se référant à l'article 149, alinéa 1, page 4 de la Constitution, demandent l'établissement de la non-conformité à la Constitution de l'accord entre la République de Bulgarie et l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, relatif au passage en transit à travers l'espace aérien de la République de Bulgarie, des aéronefs de l'OTAN dans le cadre de l'opération « Force alliée ».
Par sa décision, la Cour constitutionnelle estime que l'accord en question est conforme à la Constitution de la République de Bulgarie.
La loi fondamentale prévoit expressément l'installation de troupes étrangères sur le territoire du pays ou leur passage à travers celui-ci. L'autorisation est accordée par l'Assemblée nationale qui décide aussi des questions relatives à la déclaration de guerre et à la conclusion de la paix et ratifie les accords internationaux de caractère politique ou militaire. Lorsque l'Assemblée nationale exerce les pouvoirs susmentionnés, la question d'une violation de la Constitution et d'une appropriation de la souveraineté nationale ne peut être posée.
Le Constituant distingue entre l'autorisation de passage et la signature d'accords de caractère politique ou militaire d'une part, et la déclaration de la guerre et la conclusion de la paix d'autre part, et en conséquence ces cas relèvent de pouvoirs séparés et indépendants de l'Assemblée nationale. L'accord entre la République de Bulgarie et l'OTAN ne traite pas de la participation de forces armées bulgares à des opérations militaires et, pour cette raison, les dispositions de la Constitution relatives aux pouvoirs de l'Assemblée nationale sur les questions de guerre et de paix ne sont pas applicables dans ce cas concret. Il n'est donc pas possible de parler de leur violation.
La Constitution stipule que le Conseil des ministres dirige et met en oeuvre la politique étrangère du pays, garantit la sécurité nationale et conclut des accords internationaux de caractère politique ou militaire qui doivent être ratifiés par l'Assemblée nationale. Ces exigences constitutionnelles ont été respectées lors de la conclusion de l'accord contesté, et de sa ratification par l'Assemblée nationale.
Décision n° 3 du 8 février 2001, AC n° 16/2000
Interprétation contraignante de l'article 93-2 de la Constitution concernant les conditions d'éligibilité des candidats à la Présidence de la République.
La procédure est ouverte sur saisine de 75 députés de la 38e Assemblée nationale demandant l'interprétation des dispositions de l'article 93, alinéa 2 de la Constitution, en particulier de l'exigence pour le candidat à la présidence de la République d'avoir «... vécu dans le pays au cours des cinq dernières années ».
Selon la décision interprétative de la Cour constitutionnelle, un citoyen bulgare, candidat aux élections présidentielles, est considéré comme « ayant vécu dans le pays au cours des cinq dernières années au sens de l'article 93, alinéa 2 de la Constitution, lorsqu'il a séjourné effectivement et durablement sur le territoire du pays pendant plus de la moitié de chacune des cinq années précédant la date de l'élection ». La Cour est d'avis que « avoir vécu » au sens de la disposition constitutionnelle, signifie un séjour effectif et durable d'une personne sur le territoire d'un pays, dans le cas concret sur celui de la République de Bulgarie. Est considéré aussi comme un tel séjour, le temps que les citoyens bulgares passent à l'étranger lorsqu'ils y sont envoyés par l'État bulgare. Dans ce cas, on considère qu'ils n'ont pas suspendu leur séjour dans le pays de leur propre gré afin de réaliser leurs propres objectifs. Il existe entre ces citoyens et l'État bulgare un lien fonctionnel, fondé sur l'exercice d'activités exécutives ou représentatives.
La disposition constitutionnelle a donné une signification juridique à la notion « lieu où l'on vit ». Les critères juridiques formels, comme lieu de résidence et enregistrement de l'adresse, qui impliquent des conséquences pour divers actes juridiques sont complètement différents.
Dans le monde contemporain où le séjour prolongé dans un État est de plus en plus rare, l'exigence d'un séjour de cinq ans doit, elle aussi, avoir une interprétation contemporaine. Compte tenu du temps qui s'est écoulé entre le moment du vote de la norme constitutionnelle contestée et le moment de son interprétation, et compte tenu de l'évolution que les rapports sociaux ont subie entre-temps, il faut admettre que le séjour dans le pays au cours des cinq dernières années du candidat à la présidence de la République ne doit pas être sans interruption. Le dynamisme du droit doit être pris en considération mais, pour des raisons de sécurité juridique, son interprétation ne peut être libre. L'interprétation contraignante d'une norme constitutionnelle doit être suffisamment explicative. L'exigence posée par l'expression « avoir vécu » doit être appliquée à toute la période des cinq ans et à chacune des cinq années. Le contraire aurait eu pour résultat de raccourcir le délai constitutionnellement fixé. Compte tenu de ce qui précède, la Cour considère que le candidat doit avoir séjourné sur le territoire du pays pendant plus de la moitié de chacune des cinq années précédant l'élection.
Décision n° 18 du 25 octobre 2001, AC n° 15/2001
Interprétation contraignante de l'article 113-1 en lien avec l'article 68-1 de la Constitution, sur la compatibilité entre les fonctions de ministre et de maire.
La procédure est ouverte sur saisine de 48 députés de la 39e Assemblée nationale en vue de l'interprétation contraignante de l'article 113, alinéa 1 en lien avec l'article 68, alinéa 1 de la Constitution. La question concrète qui est posée est de savoir si les membres du Conseil des ministres peuvent conserver le mandat de maire dont ils étaient titulaires avant d'être élus ministres.
Aux termes de la décision qui a été prononcée, et conformément à l'article 113, alinéa 1 de la Constitution, les membres du Conseil des ministres ne peuvent, pour cause d'incompatibilité, occuper le poste de maire d'une commune, la limitation de cumul des fonctions restant valable aussi pour les congés. La Cour constitutionnelle a fondé sa décision sur les motifs suivants :
Fait partie du statut juridique des ministres, l'incompatibilité de cette fonction avec d'autres postes et activités. L'interdiction d'occuper d'autres postes et d'exercer d'autres fonctions est établie par l'article 113, alinéa 1 de la Constitution. En ce qui concerne leur nature, la disposition en question renvoie aux postes et activités qui sont incompatibles avec le statut de député. L'article 68, alinéa 1 de la Constitution stipule notamment que les députés ne peuvent pas occuper : 1. un poste public et 2. une activité qui, aux termes de la loi, est incompatible avec leur statut de député.
Conformément aux dispositions des articles 139 et 144 de la Constitution, le statut des maires en fait des représentants de l'État sur le territoire de leur commune. L'activité liée à l'exercice de telles fonctions est la même que celle des postes publics en général. Pour cette raison, cette activité compte parmi celles qui sont interdites aux termes de l'article 113, alinéa 1 de la Constitution et, pour les membres du Gouvernement, il est en conséquence constitutionnellement impossible de cumuler leurs fonctions avec celle de maire d'une commune.
La limitation d'un tel cumul découle non seulement de l'article 113, alinéa 1 de la Constitution mais aussi de l'article 37, alinéa 4 de la loi sur les élections locales. Cette limitation est valable aussi pour les congés, qu'ils soient payés, non-payés ou autres, parce que même en congé la personne intéressée continue d'occuper son poste.
Arrêt n° 4 du 16 avril 2002, AC n° 6/2002
Contrôle de la constitutionnalité d'une loi sur la ratification de contrats de services financiers passés entre la République de Bulgarie et des personnes morales étrangères.
La procédure est ouverte sur saisine de 48 députés de la 39e Assemblée nationale. La requête conteste la constitutionnalité d'une loi sur la ratification de quelques contrats de services financiers (placement, agence fiscale et courtiers gérants/dealers managers) passés entre la République de Bulgarie et des personnes morales étrangères.
La Cour signale avant tout que pour déclarer la requête recevable en vue de son examen sur le fond, elle doit établir si les contrats en question échappent ou non à sa compétence, si et dans quelle mesure ils font partie des actes susceptibles de contrôle.
La Cour a décidé que les actes qui font l'objet de la loi de ratification relèvent du droit civil. Ces actes sont passés entre, d'une part, des personnes morales privées étrangères et, d'autre part la République de Bulgarie. De son côté la République de Bulgarie participe aux trois actes en tant qu'une personne morale de droit privé. Selon la Cour, l'État bulgare n'est pas seulement une personne de droit international mais aussi une personne de droit national - de son propre ordre juridique et des systèmes juridiques d'autres États dans la mesure où ces derniers lui reconnaissent cette qualité. À ce titre la Bulgarie est partie aux contrats sur un pied d'égalité avec les autres parties contractantes, dotée de droits et obligations relevant y compris du droit privé.
La volonté de la République de Bulgarie, manifestée dans la loi de ratification des trois contrats, n'est pas de nature autoritaire. L'État n'a pas manifesté cette volonté en sa qualité de sujet du pouvoir (jure imperii) mais en sa qualité de sujet du droit civil (jure gestionis). Les contrats en question contiennent même des dispositions expresses en ce sens.
La Cour note ensuite que, vu les sujets et le contenu des contrats en question, ceux-ci sont définis à l'unanimité, par la pratique et par la théorie, comme des contrats d'État. Ils sont essentiellement différents des traités internationaux lesquels sont conclus entre des personnes morales de droit international public (tels les États, les organisations intergouvernementales et/ou les institutions, ainsi que des groupes et organisations possédant une personnalité internationale). Il est important de rappeler que, dans le droit bulgare, les deux catégories d'actes sont confondues au niveau de la langue à défaut de termes différents pour les distinguer. En bulgare, il n'existe qu'un seul mot, « dogovor », qui désigne aussi bien les traités internationaux que les contrats privés. Bien sûr cela ne signifie pas que les juridictions respectives ne doivent pas tenir compte de la nature juridique différente de ces deux catégories d'actes.
Les trois contrats passés entre d'une part la Bulgarie, agissant en tant que personne de droit civil, et d'autre part des personnes étrangères (physiques et/ou morales) de droit privé, sont soumis aux règles du droit international privé. Il en est ainsi en ce qui concerne, en premier lieu, le droit applicable aux trois contrats lesquels, selon la volonté expresse des parties, relèvent d'un droit national autre que le droit bulgare. Dans la mesure où la Cour constitutionnelle se prononce en principe seulement sur la constitutionnalité des actes qu'elle contrôle, il est évident que l'application d'un droit civil (commercial) étranger échappe à sa compétence.
Il en est ainsi aussi en ce qui concerne la compétence internationale. Dans les trois contrats la Bulgarie a renoncé à exercer la juridiction qui lui incombe. Par conséquent les tribunaux bulgares ne sont pas compétents pour examiner des contentieux issus de ces contrats. En tant que personne juridique civile de son propre ordre juridique, la Bulgarie a exercé le droit dont elle jouit aux termes de l'article 9, alinéa 3 du code de procédure civile et a reconnu la juridiction de tribunaux étrangers. Dans cet esprit s'inscrivent aussi les clauses portant sur la renonciation à l'immunité, la reconnaissance et l'exécution de décisions de justice étrangères et les clauses d'arbitrage qui sont prévues et qui renvoient aux règles de l'UNCITRAL dans les contrats. Vu ce qui précède, la Cour constitutionnelle considère que les actes en question ne sont pas des traités internationaux conclus entre des personnes morales de droit international public et, par conséquent, ne sont pas soumis au droit des traités internationaux.
La Cour souligne de façon explicite, qu'en procédant au contrôle d'une loi de ratification de traités internationaux, elle peut se prononcer aussi sur la constitutionnalité des traités eux-mêmes. Les traités internationaux ratifiés selon la procédure constitutionnelle, publiés et entrés en vigueur font partie du droit interne de l'État. Par conséquent, ils peuvent être considérés comme des lois et avoir force de loi. Voilà pourquoi le droit bulgare n'admet pas de normes contraires à la Constitution, introduites par un traité international. L'appréciation de ces normes et la déclaration de leur éventuelle non-conformité à la Constitution, relèvent, à proprement parler, de la compétence de la Cour constitutionnelle.
Or, la règle ci-dessus n'est pas valable pour les actes de droit privé, ces derniers ne contenant pas de normes juridiques même lorsqu'ils sont ratifiés et publiés. Leurs clauses sont obligatoires uniquement pour les parties au contrat. La Cour signale que les contrats en question « ne sont pas passés entre États » et donc « ne relèvent pas du droit international ». N'étant pas des traités internationaux les trois contrats sont exclus du champ d'application de l'article 5, alinéa 4 de la Constitution. En conséquence ils ne font pas partie des actes susceptibles d'être contrôlés par la Cour constitutionnelle aux termes de l'article 149, alinéa 1, page 4 de la Constitution. Ils ne sont pas incorporés dans le droit interne de la République de Bulgarie et ne peuvent pas l'être même s'ils sont publiés après leur ratification. Selon la Cour, dans ces cas, la loi de ratification n'incorpore pas de normes juridiques ; elle n'est qu'une forme légale, constitutionnellement établie accordant l'acquisition de droits et de devoirs relevant du droit privé. Dans la mesure où formellement cet accord s'exprime par une loi, cette dernière est susceptible d'un contrôle de constitutionnalité de la part de la Cour constitutionnelle conformément à l'article 149, alinéa 1, page 2 de la Constitution. Ce contrôle porte sur des vices dont est entachée la loi et ne concerne pas les contrats. Tous les contentieux issus de ces contrats relèvent de la compétence des juridictions civiles compétentes conformément au droit applicable et ne sont pas soumis à la justice constitutionnelle. Ainsi, dans la mesure où les contestations soulevées dans la requête ne portent pas sur des vices affectant la loi de ratification mais sont dirigées contre les contrats eux-mêmes, la Cour constitutionnelle considère que les conditions requises pour l'examen du fond de la requête ne sont pas réunies. Au vu de ces circonstances la Cour constitutionnelle a déclaré la requête irrecevable et a suspendu la procédure.
Décision n° 2 du 28 mars 2001, AC n° 2/2002
Interprétation contraignante du texte de la Constitution portant sur les pouvoirs du président de la République.
La validité des décrets du président de la République concernant la nomination ou la destitution de leurs fonctions des représentants diplomatiques et des représentants permanents de la République de Bulgarie auprès des organisations internationales et du haut commandement des forces armées, ainsi que du président de la Cour suprême de cassation, du président de la Cour suprême administrative et du procureur général, ne peut dépendre d'une décision ultérieure, prononcée par une cour dans le cadre du contrôle de légalité de l'acte préparatoire (c'est-à-dire de la proposition du Conseil des ministres, ou de celle du Conseil supérieur judiciaire).
La procédure est ouverte sur saisine du procureur général en vue d'une interprétation contraignante de dispositions de la Constitution portant sur les pouvoirs du président de la République aux termes desquelles il peut nommer ou destituer de leurs fonctions :
1. sur proposition du Conseil des ministres, des représentants diplomatiques et des représentants permanents de la République de Bulgarie auprès des organisations internationales, ainsi que le haut commandement des forces armées,
2. sur proposition du Conseil supérieur judiciaire, le président de la Cour suprême de cassation, le président de la Cour suprême administrative et le procureur général.
La Cour constitutionnelle est saisie pour se prononcer sur la nature juridique de la proposition du Conseil des ministres, ou de celle du Conseil supérieur judiciaire, en particulier pour savoir si cette proposition est un acte administratif proprement dit et si elle est soumise à un contrôle de légalité de la part de la Cour suprême administrative dans le cas où le président de la République aurait déjà pris un décret sur la base de la proposition en question.
La Cour constitutionnelle considère qu'une telle proposition permet aux divers organes constitutionnellement définis par l'État de coopérer, qu'elle est un acte préparatoire ayant trait au déroulement de la procédure complexe de nomination et de destitution de fonctions des personnes jouissant d'un statut défini par la Constitution. Une telle proposition n'a pas les caractéristiques d'un acte administratif proprement dit et ne peut donc faire l'objet d'un contrôle de légalité. La nomination et la destitution de ces personnes découlent d'un décret du président de la République et ce décret peut être attaqué seulement devant la Cour constitutionnelle.
La validité des décrets du président de la République concernant la nomination ou la destitution de leurs fonctions des représentants diplomatiques et des représentants permanents de la République de Bulgarie auprès des organisations internationales et du haut commandement des forces armées, ainsi que du président de la Cour suprême de cassation, du président de la Cour suprême administrative et du procureur général, ne peut dépendre d'une décision ultérieure, prononcée par une cour dans le cadre du contrôle de légalité de l'acte préparatoire (c'est-à-dire de la proposition du Conseil des ministres, ou de celle du Conseil supérieur judiciaire).
Décision n° 13 du 16 décembre 2002, AC n° 17/2002
Contrôle de la constitutionnalité de la loi modifiant et complétant la loi sur le pouvoir judiciaire.
La procédure est ouverte sur saisine du plénum de la Cour suprême de cassation. La requête demande l'établissement de l'inconstitutionnalité de la loi modifiant et complétant la loi sur le pouvoir judiciaire.
La Cour constitutionnelle a déclaré contraires à la Constitution, 44 dispositions de la loi contestée. Ont voté en faveur de cette décision neuf juges et trois ont exprimé des opinions dissidentes. L'annulation d'un certain nombre de textes a été votée à l'unanimité par les juges.
Une partie des dispositions, déclarées contraires à la Constitution, est liée à l'élargissement excessif du champ de compétence du pouvoir exécutif par rapport au pouvoir judiciaire. La Cour souligne que la Bulgarie est un État de droit au sein duquel les pouvoirs, législatif, exécutif et judiciaire, sont séparés et rendre la justice est une fonction autonome. Selon la volonté du constituant, le pouvoir judiciaire est autonome et indépendant. Ceci dit, les trois pouvoirs doivent coopérer entre eux. Le législateur est obligé de mettre en place des mécanismes assurant l'équilibre dans leurs relations au lieu d'admettre que le pouvoir exécutif se charge des fonctions du pouvoir judiciaire.
La Cour constitutionnelle déclare contraires à la Constitution les dispositions aux termes desquelles :
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les propositions émanant des organes du pouvoir judiciaire, y compris celles émanant des présidents des Cours suprêmes et du procureur général, sont présentées au Conseil supérieur de la magistrature obligatoirement et uniquement par le ministre de la justice qui est un représentant du pouvoir exécutif central et une figure politique importante ;
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les rapports annuels sur l'activité des cours et tribunaux, des parquets, et des services d'instruction sont déposés au Conseil supérieur de la magistrature par le ministre de la justice lequel doit rédiger un rapport de synthèse sur leur activité ;
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les dossiers individuels des magistrats, des procureurs et des agents d'instruction sont confiés au ministre de la justice. Vu la séparation des pouvoirs, les dossiers individuels des membres d'un des pouvoirs ne peuvent être établis et conservés par un représentant d'un autre pouvoir ;
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tous les magistrats, y compris les juges des Cours suprêmes et les procureurs du parquet général, sont nommés et destitués de leurs fonctions sur ordre du ministre de la justice ce qui transforme celui-ci en autorité de recrutement ;
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le ministre de la justice dépose chaque année au Parlement un rapport sur l'activité du pouvoir judiciaire indépendant. Or, la Constitution exclut la possibilité que le pouvoir judiciaire indépendant rende compte devant le pouvoir législatif. Ceci est d'autant plus incohérent que le compte-rendu est fait par le biais du pouvoir exécutif ;
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l'Inspection du ministère de la justice procède également à la vérification de l'activité de la Cour suprême de cassation, de la Cour suprême administrative et du procureur général. Aux termes de la Constitution, c'est le procureur général qui exerce un contrôle de la légalité aussi bien qu'il assure la direction de l'activité de tous les procureurs, alors que la Cour suprême de cassation et la Cour suprême administrative exercent un contrôle suprême de l'application stricte et uniforme des lois par les tribunaux ;
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l'Institut national de justice, chargé de l'éducation des juges et procureurs assistants ainsi que de l'amélioration du niveau de qualification des tous les magistrats, procureurs et agents d'instruction en exercice, est placé sous la direction du pouvoir exécutif et non sous celle du pouvoir judiciaire.
Le deuxième groupe de dispositions, déclaré contraire à la Constitution, est lié à l'attribution d'importantes fonctions en matière de recrutement dans le système judiciaire aux assemblées générales des magistrats, procureurs et agents d'instruction. Aux termes de la Constitution la politique de recrutement et de gestion des carrières au sein du pouvoir judiciaire est confiée à un organe spécial, à savoir le Conseil supérieur de la magistrature. Les assemblées générales des magistrats, procureurs et agents d'instruction ne sont pas celles d'organes du pouvoir judiciaire, prévus par la Constitution. Leur mise en place a pour objectif de permettre l'unification de la pratique quant à l'application des lois et à l'amélioration du niveau de qualification des magistrats, mais elles ne peuvent pas se transformer en gestionnaire des emplois et des carrières au sein du système judiciaire, car une telle approche peut avoir des effets déstabilisateurs sur l'activité du pouvoir judiciaire.
La Cour constitutionnelle estime qu'il est contraire à la Constitution d'accorder à un cinquième des membres du Conseil supérieur de la magistrature le droit de demander la levée d'immunité des magistrats. Rappelons qu'aux termes de la Constitution seul le Parquet est investi des fonctions de l'accusation et peut engager la mise en examen des personnes qui ont commis des crimes, de même que réunir, vérifier et apprécier des informations conformément aux exigences du code de procédure pénale. Un cinquième des membres du Conseil supérieur de la magistrature n'a pas à lui seul de compétences constitutionnelles pour engager des poursuites pénales ni pour réunir, vérifier et apprécier des informations conformément aux exigences du code de procédure pénale.
L'établissement d'une distinction entre les fonctions exercées actuellement par les magistrats, et celles exercées par les responsables administratifs au sein du système judiciaire, et l'introduction pour ces derniers de mandats, est aussi contraire à la Constitution. Tous les magistrats, procureurs et agents d'instruction jouissent du même statut d'inamovibilité qui garantit notamment la stabilité du système judiciaire. Selon ce principe constitutionnel, des mandats ne peuvent être fixés pour une seule catégorie de magistrats.
La Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelles aussi les dispositions de la loi en question relatives à un nouveau système d'avancement au sein des organes du système judiciaire qui porte atteinte aux droits déjà acquis par les magistrats, lesquels seront en conséquence rétrogradés sur place.
Estimant que l'inconstitutionnalité des dispositions en question ne conduit pas à l'inconstitutionnalité de la loi dans son ensemble, la Cour constitutionnelle a rejeté cette partie de la requête.