Décision n° 2024-6363 AN du 31 janvier 2025
A.N., Gironde (12e circ.), M. Rémy BERTHONNEAU
Rejet
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 juillet 2024 d’une requête présentée par M. Rémy BERTHONNEAU, candidat à l’élection qui s’est déroulée dans la 12e circonscription du département de la Gironde, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 30 juin et 7 juillet 2024 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-6363 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- le mémoire en défense présenté pour Mme Mathilde FELD, députée, par Me Joris Caunes, avocat au barreau de Paris, enregistré le 13 septembre 2024 ;
- le mémoire en réplique présenté par M. BERTHONNEAU, enregistré le 11 octobre 2024 ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
- Sur les griefs relatifs au déroulement de la campagne électorale :
1. En premier lieu, M. BERTHONNEAU soutient que, lors du premier tour de scrutin, les électeurs de deux communes de la 12e circonscription du département de la Gironde auraient reçu les professions de foi d’un candidat se présentant dans une autre circonscription. Il ajoute que, en méconnaissance de l’article L. 49 du code électoral, il aurait été procédé à la distribution de tracts au profit de Mme FELD le 29 juin 2024, veille du premier tour du scrutin. Toutefois, ces circonstances sont, en tout état de cause, sans incidence sur les résultats du second tour de scrutin auquel le requérant, qui a obtenu à l’issue du premier tour de scrutin le nombre de suffrages exigé par l’article L. 126 du code électoral, a pu se présenter.
2. En deuxième lieu, si M. BERTHONNEAU soutient que Mme FELD aurait présenté de manière mensongère le programme de ce dernier dans les circulaires qu’elle a adressées aux électeurs, les affirmations qui y figurent n’ont pas excédé les limites de la polémique électorale, alors que M. BERTHONNEAU disposait, au demeurant, du temps nécessaire pour y répondre.
3. En troisième lieu, à la supposer avérée, la circonstance que les circulaires de Mme FELD adressées aux électeurs n’auraient pas comporté la mention d’un numéro d’inscription au registre du commerce et des sociétés est dépourvue de toute incidence sur le résultat du scrutin.
4. En dernier lieu, si M. BERTHONNEAU fait valoir qu’il aurait été victime d’accusations diffamatoires sur le site internet « Le tour de France de la honte », il ne résulte pas de l’instruction que la mention le concernant sur ce site, qui se bornait à indiquer que l’intéressé serait « proche de la Russie et assez critique vis-à-vis de l’Ukraine », aurait revêtu un tel caractère. Le grief soulevé, tiré de l’atteinte à la sincérité du scrutin, doit dès lors être écarté.
- Sur les griefs relatifs aux opérations de vote :
5. En premier lieu, si le requérant critique la livraison et la distribution d’un nombre insuffisant de bulletins à son nom, ce grief n’est pas assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé.
6. En deuxième lieu, si le requérant soutient que les panneaux réservés à l’apposition des affiches des candidats ont été retirés dans l’après-midi du jour du scrutin dans la commune de Ladaux et que des affiches ont été collées à l’envers sur les panneaux de la commune de Croignon, ces seules circonstances, qui ont d’ailleurs concerné les deux candidats présents au second tour, ne sont pas, eu égard à l’écart de voix constaté, susceptibles d’avoir eu une incidence sur les résultats du scrutin.
7. En troisième lieu, si le requérant fait état d’une erreur figurant sur la feuille de pointage utilisée par les scrutateurs de la table n° 1 du bureau de vote n° 2 de la commune de La Réole, aux termes de laquelle dix voix supplémentaires ont été indûment attribuées à Mme FELD, il résulte de l’instruction que cette erreur a été corrigée sur le procès-verbal de ce bureau de vote, qui seul fait foi et comporte le nombre exact de suffrages exprimés en faveur de cette dernière dans ce bureau. Par ailleurs, la circonstance que la commission de recensement des votes a, pour corriger à juste titre une erreur dans le décompte des bulletins, rajouté vingt voix à chaque candidat au titre des suffrages exprimés dans le bureau de vote n° 3 de cette même commune, est sans incidence sur le résultat du scrutin.
8. En dernier lieu, d’une part, le requérant critique le caractère selon lui frauduleux de plusieurs signatures sur certains registres des procurations. Toutefois, si l’article R. 76-1 du code électoral prescrit que le maire tient à disposition de tout électeur un registre des procurations extrait du répertoire électoral unique, aucune disposition n’impose que les électeurs, leurs mandataires, ou les membres du bureau de vote y apposent leur signature.
9. D’autre part, si le requérant fait valoir que plusieurs signatures sur les listes d’émargement des bureaux de vote de certaines communes de la circonscription présenteraient des différences significatives entre les deux tours de scrutin, il résulte toutefois de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement des bureaux de vote concernés, que seules dix signatures comportent des différences significatives entre les deux tours de scrutin qui ne sont pas justifiées. Les votes correspondants doivent, par suite, être regardés comme irrégulièrement exprimés. Il y a ainsi lieu de déduire dix voix tant du nombre de suffrages obtenus au second tour par Mme FELD que du nombre total de suffrages exprimés. Toutefois, compte tenu de l’écart de voix au second tour de scrutin, cette rectification n’est pas de nature à affecter le résultat de l’élection.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. BERTHONNEAU doit être rejetée.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - La requête de M. Rémy BERTHONNEAU est rejetée.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 janvier 2025, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 31 janvier 2025.
JORF n°0027 du 1 février 2025, texte n° 88
ECLI : FR : CC : 2025 : 2024.6363.AN
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