Décision

Décision n° 2024-6348/6377 AN du 31 janvier 2025

A.N., Français établis hors de France (4e circ.), Mme Cécilia GONDARD et autre

Rejet

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 juillet 2024 d’une requête présentée pour Mme Cécilia GONDARD, candidate à l’élection qui s’est déroulée dans la 4e circonscription des Français établis hors de France, par Me Philippe Bluteau, avocat au barreau de Paris, tendant à l’annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 30 juin et 7 juillet 2024 en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-6348 AN.
Il a également été saisi le 18 juillet 2024 d’une requête tendant aux mêmes fins présentée pour Mme Aude ROSSOLINI, candidate à cette même élection, par Me Arnaud Durand, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-6377 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • le décret n° 2024-527 du 9 juin 2024 portant convocation des électeurs pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les mémoires en défense présentés pour M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, député, par Me Philippe Azouaou, avocat au barreau de Paris, enregistrés le 11 septembre 2024 ;
  • les observations du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, enregistrées le 17 septembre 2024 ;
  • le mémoire en réplique présenté pour Mme ROSSOLINI par Me Durand, enregistré le 14 octobre 2024 ;
  • la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 5 décembre 2024, approuvant après réformation le compte de campagne de M. ANGLADE ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Les requêtes mentionnées ci-dessus sont dirigées contre la même élection. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision.

- Sur les griefs relatifs à la campagne électorale :

2. En premier lieu, Mme GONDARD fait valoir que les dysfonctionnements constatés dans la distribution de la propagande électorale officielle auraient entraîné une rupture d’égalité entre les candidats ayant altéré la sincérité du scrutin.

3. Toutefois, d’une part, il résulte de l’instruction que, si des carences ont été constatées dans la distribution de la propagande électorale officielle, liées aux brefs délais imposés par le décret du 9 juin 2024 mentionné ci-dessus, Mme GONDARD n’avait remis aucun bulletin de vote ni circulaire à l’entreprise prestataire chargée de la distribution de la propagande pour le premier tour de scrutin, à la différence de certains autres candidats, dont M. ANGLADE. En tout état de cause, cette circonstance a été sans incidence sur la situation des candidats pour le second tour, auquel Mme GONDARD, arrivée en tête à l’issue du premier tour, a pu se présenter. D’autre part, l’ensemble des candidats ont été affectés par des dysfonctionnements dans la distribution de leur propagande au second tour. Toutefois, eu égard à la multiplicité des vecteurs offerts aux candidats pour diffuser leur propagande électorale, et notamment à la faculté offerte aux électeurs d’en prendre connaissance sur le site internet du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, ces dysfonctionnements, pour regrettables qu’ils soient, n’ont pas eu pour effet de priver les candidats de la possibilité de s’adresser aux électeurs et de se faire connaître d’eux. Le grief doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, Mme GONDARD reproche à M. ANGLADE, candidat élu, d’avoir créé une confusion dans l’esprit des électeurs en se prévalant, dans un courriel du 4 juillet 2024, du soutien pour le second tour des « Écologistes ».

5. Il ressort cependant de ce courriel que M. ANGLADE s’est borné à relayer les communiqués de Mme Juliette DE CAUSANS, présidente du parti « Europe Égalité Écologie ! » et candidate au premier tour sous l’étiquette « Les Écologistes avec la Majorité parlementaire », et de M. Antonin DUARTE, président du parti politique « l’Union des Centristes et des Écologistes » et de l’association « Les Écologistes », appelant à voter au second tour pour M. ANGLADE. Dès lors, dans les circonstances de l’espèce, la diffusion de ce message n’est pas susceptible d’avoir créé dans l’esprit des électeurs une confusion sur la nature de ces soutiens, qui étaient distincts de celui apporté à Mme GONDARD par le parti « Les Écologistes », anciennement « Europe Écologie - Les Verts », membre de la coalition « Nouveau Front populaire ». En outre, le communiqué établi par M. DUARTE ne saurait être regardé comme un avantage en nature consenti par l’association qu’il préside au financement de la campagne de M. ANGLADE.

6. En troisième lieu, si Mme GONDARD soutient que M. ANGLADE a adressé aux électeurs un message électronique ayant le caractère de propagande électorale la veille du second tour de scrutin en méconnaissance de l’article L. 49 du code électoral, il résulte de l’instruction que ce message a été adressé le vendredi 5 juillet 2024 avant minuit. Le grief manque donc en fait.

7. En quatrième lieu, si Mme ROSSOLINI fait grief à M. ANGLADE d’avoir bénéficié du soutien de l’État pour sa campagne, ni la « Lettre aux Français » du 23 juin 2024 diffusée par voie de presse par le Président de la République, ni le message et la vidéo publiés le 30 juin 2024 par M. Gabriel ATTAL, alors Premier ministre, sur le compte qu’il utilise sur un réseau social ainsi que sur le compte officiel du Gouvernement sur le même réseau social, appelant à faire barrage au Rassemblement national, ne font référence à M. ANGLADE ou à sa circonscription. Ils ne peuvent dès lors être regardés comme un don d’une personne morale au sens de l’article L. 52-8 du code électoral, ni comme méconnaissant l’article L. 50 du même code. Ces circonstances n’ont pas non plus été de nature à porter atteinte à l’égalité entre les candidats.

8. En cinquième lieu, la même requérante soutient que M. ANGLADE s’est prévalu du soutien de M. ATTAL durant toute la campagne électorale. Elle n’a toutefois invoqué ce grief pour la première fois que dans son mémoire en réplique du 14 octobre 2024. Il constitue ainsi un grief nouveau présenté après l’expiration du délai de dix jours fixé par l’article 33 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus. Il est, dès lors, irrecevable.

9. En dernier lieu, si Mme ROSSOLINI fait état des difficultés matérielles rencontrées pour faire campagne, elle n’établit pas cependant en avoir été empêchée. Eu égard à l’écart des voix au premier tour entre la requérante et les deux candidats arrivés en tête, ces circonstances, à les supposer établies, n’ont pu en tout état de cause altérer la sincérité du scrutin.

- Sur les griefs relatifs aux opérations électorales :

10. En premier lieu, Mme GONDARD soutient que les conditions techniques d’accès au vote électronique n’ont pas permis de garantir la règle d’accessibilité au suffrage mentionnée à l’article R. 176-3-3 du code électoral.

11. Il résulte toutefois du procès-verbal du bureau de vote électronique relatif au second tour de scrutin que, si des difficultés techniques ont été rencontrées le 3 juillet 2024 dans l’après-midi, elles n’ont fait obstacle à la possibilité pour les électeurs de prendre part au vote par voie électronique qu’au cours d’une première période d’une durée de vingt minutes, entre 14h40 et 15 heures, durant laquelle ils ne recevaient pas les codes de validation, et d’une seconde période d’une durée de dix minutes, entre 16h52 et 17h02, durant laquelle une intervention technique a conduit à une interruption du service. Il est par ailleurs constant que le portail de vote a par la suite fonctionné normalement. Les électeurs confrontés à ces difficultés d’accès ont ainsi, en tout état de cause, disposé d’un temps suffisant pour prendre part au vote par voie électronique, qui n’a été clos que le 4 juillet 2024 à 18 heures.

12. Si Mme ROSSOLINI soutient pour sa part que plusieurs électeurs auraient été empêchés de voter, elle se borne à produire à l’appui de cette allégation deux attestations d’électeurs faisant état de difficultés rencontrées pour voter par voie électronique au premier tour du scrutin. À supposer que ces électeurs n’aient pas pu prendre part à ce premier tour, ces irrégularités, qui ne portent que sur deux suffrages, n’ont pu, compte tenu de l’écart de voix entre les candidats, avoir une influence sur le résultat du scrutin.

13. En second lieu, Mme GONDARD se plaint de ce que six des onze bureaux de vote en Belgique, qui avaient été ouverts lors des élections des représentants au Parlement européen, aient été fermés pour le second tour de l’élection législative. Il résulte toutefois de l’instruction que trente-deux bureaux de vote ont été ouverts en Belgique pour cette élection et il n’est pas établi que le nombre et la répartition de ces bureaux auraient privé des électeurs de la possibilité de voter à l’urne lors de ce scrutin.

- Sur le grief relatif au recensement des résultats :

14. Si Mme ROSSOLINI met en doute le lieu de consolidation des résultats du scrutin, ce grief n’est pas assorti de précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de Mmes GONDARD et ROSSOLINI doivent être rejetées.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. -  Les requêtes de Mme Cécilia GONDARD et Mme Aude ROSSOLINI sont rejetées.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 janvier 2025, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 31 janvier 2025.
 

JORF n°0027 du 1 février 2025, texte n° 87
ECLI : FR : CC : 2025 : 2024.6348.AN

À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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