Décision n° 2024-869 DC du 20 juin 2024 - Communiqué de presse
Saisi de certaines dispositions de l’article 16 de la loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels, le Conseil constitutionnel en censure plusieurs mots et assortit le restant d’une réserve d’interprétation
Par sa décision n° 2024-869 DC du 20 juin 2024, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels, dont il avait été saisi par plus de soixante députés.
Seules étaient contestées par les députés requérants, au regard notamment du droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l’inviolabilité du domicile, et du droit à un recours juridictionnel effectif, des dispositions de l’article 16 de la loi déférée prévoyant que la décision définitive de confiscation d’un bien immobilier prononcée à titre de peine vaut titre d’expulsion à l’encontre de la personne condamnée et de tout occupant de son chef. Selon ces mêmes dispositions, n’est pas considérée comme occupant du chef du condamné la personne de bonne foi titulaire d’une convention d’occupation ou de louage d’ouvrage à titre onéreux portant sur tout ou partie du bien confisqué, à condition que cette convention ait été conclue avant la décision de saisie et qu’elle ait été régulièrement exécutée par les deux parties.
Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel rappelle que, selon l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l’inviolabilité du domicile.
Aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu’il ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction.
À l’aune de ces exigences constitutionnelles, le Conseil constitutionnel relève en premier lieu que, par les dispositions contestées, le législateur a entendu renforcer l’efficacité de la peine de confiscation en facilitant l’expulsion des occupants du bien concerné. Il a ainsi poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public.
En deuxième lieu, le Conseil constitutionnel constate, d’une part, qu’il résulte des termes « tout occupant de son chef », qui ne sont pas imprécis, que la décision définitive de confiscation vaut titre d’expulsion uniquement pour les personnes qui ne disposent pas d’un titre d’occupation et tiennent exclusivement de la personne condamnée leur droit d’occuper le bien confisqué. Peuvent notamment être expulsés des membres de la famille de la personne condamnée.
Par une réserve d’interprétation, le Conseil constitutionnel juge que, toutefois, il appartiendra au juge qui prononce la peine de confiscation de prendre en compte, au regard des éléments dont il dispose, la situation personnelle et familiale de la personne condamnée.
D’autre part, le Conseil constitutionnel observe que, conformément à l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, l’expulsion des occupants du chef de la personne condamnée ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant un commandement d’avoir à libérer les locaux. Ces derniers peuvent en outre saisir le juge de l’exécution sur le fondement de l’article L. 412-3 du même code et faire ainsi valoir leur situation personnelle et familiale afin d’obtenir des délais renouvelables, lorsque leur relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
En dernier lieu, le Conseil constitutionnel relève que les dispositions contestées prévoient que les personnes titulaires d’une convention d’occupation ou de louage d’ouvrage à titre onéreux portant sur le bien confisqué ne peuvent pas être considérées comme occupant du chef de la personne condamnée, sous réserve que cette convention ait été conclue de bonne foi. En cas de contestation, il revient au juge de l’exécution de s’assurer que ces conditions sont réunies.
Le Conseil constitutionnel juge que, en revanche, ces dispositions prévoient en outre que cette convention doit avoir été conclue avant la décision de saisie et régulièrement exécutée par les deux parties. Ce faisant, elles peuvent conduire à l’expulsion de l’occupant de bonne foi au motif que la convention a été conclue après une saisie alors que celle-ci n’est pas systématique et qu’il n’en a pas nécessairement connaissance, ainsi que dans le cas où l’inexécution est imputable à la personne condamnée. Elles méconnaissent ainsi les exigences de l’article 2 de la Déclaration de 1789.
Sous la réserve d’interprétation précédemment mentionnée, il déclare conforme à la Constitution le restant des dispositions contestées.